Vladimir Poutine et Xi Jinping : entre similarités et affinités, une relation spéciale pouvant pérenniser le partenariat russo-chinois
L'accélération du rapprochement russo-chinois et le fait qu'il puisse durer s'expliquent aussi par certains facteurs plus originaux, comme la très bonne relation personnelle entre Vladimir Poutine et Xi Jinping, les deux hommes présentant de nombreux points communs. Si l'amitié entre les deux dirigeants n'est sans doute pas feinte, leur relation est aussi entretenue par des intérêts personnels communs, chacun utilisant la légitimité, la stature et l'influence de l'autre. Les deux hommes sont indéniablement en concurrence, entre eux et vis-à-vis du reste du monde, mais cette concurrence a selon nous peu de chances de se transformer en rivalité tant les deux chefs d’État ont intérêt à conserver une bonne relation, dusse leur entente devenir une entente de façade.
Il est tentant de chercher à comprendre (voire anticiper) la politique de grands dirigeants par l'influence de leur vécu et de leur trajectoire personnelle : le risque encouru est de verser dans une forme de psychologie de comptoir. En politique étrangère, l'approche psychologique peut être utile pour apprécier le style des dirigeants – flamboyant ou terne, porté sur les « coups » à fort retentissement médiatique ou sur une image de sagesse qui se cultive dans la durée – mais perd en intérêt lorsqu'il s'agit d'étudier le fond de leur politique. Cependant, pour des dirigeants comme Vladimir Poutine, Xi Jinping ou encore Recep Tayyip Erdogan, qui concilient longévité exceptionnelle, concentration du pouvoir et capacité à imprimer leur marque sans être limité par des alternances et contre-pouvoirs effectifs, une approche invoquant des éléments de biographie personnelle peut être pertinente, faisant écho aux biographies de certains dirigeants monarchiques. C'est d'autant plus vrai en ce qui concerne la relation personnelle entre Vladimir Poutine et Xi Jinping, qui se reconnaissent mutuellement comme deux alter ego– ce qu'ils sont, puisqu'ils partagent sur la scène internationale un statut comparable là où leurs deux pays ont un statut de plus en plus inégal en terme de puissance.
Des rues de Leningrad à la « Terre jaune » du Shaanxi : les origines croisées de deux futurs « hommes forts »
Lors d'une rencontre en 2013, Xi Jinping confiait publiquement à Vladimir Poutine : « nous sommes de caractère similaire1 ». On peut certes difficilement comparer la nature du régime de Vladimir Poutine, basé sur la perversion en démocrature d'une démocratie russe qui n'a pour l'heure jamais fonctionné, et celui de Xi Jinping, qui repose sur la nouvelle dérive totalitaire d'une authentique dictature. On peut en revanche noter que Poutine a réussi à transformer un système politique fédéral et théoriquement démocratique en régime centré sur sa personne au point qu'il est devenu difficile d'imaginer la Russie sans Poutine, tandis que Xi a fait évoluer une système collégial – celui du Parti communiste chinois – en régime de gouvernement personnel assorti d'un culte de la personnalité, parvenant même à faire inscrire sa « pensée » dans la Constitution chinoise, un privilège jusqu'ici concédé uniquement à Mao et Deng Xiaoping, puis d'être élevé au rang de héros national par l'histoire officielle promue par le Parti. Toujours du côté des institutions, les deux autocrates ont réussi à créer les conditions d'une possible présidence à vie, inimaginable au moment où chacun d'eux accédait au pouvoir. Poutine comme Xi ont surpris le monde en se taillant l'un comme l'autre un pouvoir exceptionnellement fort et ancré dans la durée ; comme l'écrit François Bougon à propos de Xi : « On attendait un Gorbatchev, c'est un Poutine chinois qui a émergé2... ». Poutine et Xi ont d'ailleurs en commun de considérer l'exemple de Gorbatchev comme un avertissement de ce qui advient lorsqu'un pouvoir autoritaire choisit de relâcher son autorité sur les plans intérieur et international sans avoir consolidé ses bases. Il est possible, voire probable, que les deux hommes pensent que leur avenir politique est lié, la chute de l'un pouvant entraîner celle de l'autre, ou être prévenue par le soutien de l'autre. On remarque aussi des similarités dans les parcours des deux dirigeants, et dans la manière dont ces parcours ont influé sur leur personnalité : comme nous l'avons expliqué plus haut, une telle approche n'est pas sans intérêt pour comprendre la relation entre ces deux dirigeants à poigne.
Poutine et Xi ont d'abord été tous les deux un caractère et un être au monde forgé par une jeunesse empreinte d'épreuves et de violence dans un contexte socio-politique difficile. Vladimir Vladimirovitch Poutine est né le 7 octobre 1952 à Leningrad, dans une famille modeste (bien que le grand-père du président, Spiridon Poutine, fût cuisinier et goûteur de Raspoutine, Lénine et Staline). Son père, Vladimir Spiridonovitch, était ouvrier dans une usine d'armement, passé ensuite par le NKVD (police politique communiste), avant d'intégrer l'Armée rouge durant la Grande Guerre patriotique (nom donné en URSS à la Seconde Guerre mondiale) au cours de laquelle il témoigna d'une force mentale et d'une capacité de survie dont les biographes de son fils se sont fait l'écho. Il aurait par exemple échappé à une escouade allemande en forêt en se cachant sous l'eau, respirant à l'aide d'un roseau. Alors que son unité était déployée à Kinguissepp, près de l'Estonie, le groupe de Vladimir aurait été trahi par des villageois estoniens et massacré par les Allemands, le père du futur président russe échappant une nouvelle fois de peu à la mort. On a pu lire que cet épisode aurait contribué à nourrir chez Vladimir Poutine une supposée haine des Baltes – laquelle est partagée chez de nombreux Russes issus de l'Ouest du pays. La mère du président, Maria Ivanovna, manutentionnaire à l'usine, avait été laissée pour morte de faim durant le siège de Leningrad quand son mari, à peine sorti de l'hôpital, la tira d'un tas de cadavres ; marquée par la mort de ses deux précédents fils (Albert, puis Viktor décédé durant le siège comme tant d'autres enfants), elle apporta à Vladimir, qu'elle fit baptiser en secret en plein athéisme d’État, une éducation plus douce que celle d'un père autoritaire que son fils a toujours admiré comme un modèle.
Les séquelles du siège de sa ville natale ont baigné toute la jeunesse du président russe : 872 jours d'enfer entre septembre 1941 et janvier 1944, causant 1,8 million de morts dont une large majorité de civils tués par la faim et le froid. Ceux qui ne parvenaient pas à fuir par la « Route de la vie » sur le lac Ladoga gelé en hiver furent soumis aux pires souffrances, se livrant parfois au cannibalisme. Les épreuves endurées par la population de Leningrad se retrouvent dans un journal intime considéré par les Russes comme un trésor national, celui de Tania Savitcheva, enfant du siège : les seules dates indiquées relatent la mort de tous ses proches, jusqu'à ces derniers mots : « Tout le monde est mort. Seule Tania est vivante ». Trop affaiblie, Tania mourut à 14 ans, quelques mois après la fin du siège. Le courage et l'abnégation des habitants de Leningrad, redevenue Saint-Pétersbourg, érige aujourd’hui encore cette cité symbolique au rang de « ville-héros ». Poutine a grandi dans la commémoration de cet héroïsme et du martyre enduré par sa ville natale, croisant régulièrement des mutilés, des habitants vieillis prématurément par les privations ou traumatisés par des scènes insoutenables, écoutant les souvenirs de guerre lorsque ses parents recevaient dans leur appartement d'une pièce, au dernier étage d'un immeuble délabré où les sanitaires étaient partagés entre les différentes familles.
Le futur dirigeant russe a d'abord été turbulent et bagarreur, peu doué à l'école et passant son temps avec des bandes. Il n'a peut-être échappé à un destin de voyou – en tout cas, de voyou qui n'aurait pas accédé à la tête de l’État – que par l'intervention salutaire d'une de ses professeurs, Vera Gourevitch, qui l'a remise dans le droit chemin, et de son professeur de sambo (art martial né en URSS sous Staline) et de judo où Poutine s'est vite distingué. D'enfant du peuple qui aurait pu finir aux marges de la société, il est devenu un pur produit d'une Union soviétique dont il était fier à l'image de ses compatriotes. Poutine cultive toujours ce passé de garçon de la rue. Un trait qu'il partage également avec son homologue turc Recep Tayyip Erdogan, qui a grandi à Kasimpasa, un quartier pauvre d'Istanbul à la population attachée aux traditions populaires et religieuses, situé en contrebas du riche quartier de Péra, vitrine d'une Turquie aux mœurs progressistes, séculaires et europhiles. Erdogan y était un jeune homme bagarreur3partageant son temps libre entre la mosquée, le football et l'exercice de ses talents oratoires qu'il a su perfectionner par la suite. Un passé dont le leader turc continue de se vanter, tant son parcours de gamin du peuple ayant triomphé de l'establishmentkémaliste incarne la revanche de la « Turquie noire » contre la « Turquie blanche », au même titre que Poutine aime se présenter en héraut d'une Russie populaire « authentique » face à l'opposition assimilée à une bourgeoisie occidentalisée, tout en profitant des privilèges d'une oligarchie qui accapare les richesses du pays et dont il est le maître. Derrière le seul aspect rhétorique, Poutine affirme avoir tiré des rixes entre bandes qui ont marqué sa jeunesse des leçons politiques : « il y a cinquante ans, les rues de Leningrad m'ont appris une chose : si un combat est inévitable, il faut frapper le premier4 ».
Xi Jinping est né le 15 juin 1953 dans un milieu bien plus favorisé, parmi les « princes rouges », les fils de dirigeants du Parti communiste chinois. Son père, Xi Zhongxun, a combattu pour la cause communiste durant la guerre civile contre les nationalistes du Kuomintang (1927-1949) et occupé de hautes responsabilités au Parti communiste chinois après la fondation de la République populaire de Chine à laquelle il a participé. Très autoritaire et dur avec ses enfants, Xi Zhongxun leur garantissait cependant par sa position une éducation, un niveau de vie et des perspectives d'ascension au sein du Parti (donc de la société) inaccessibles à l'écrasante majorité de la population. Mais en 1962, Zhongxun a été arrêté sur ordre de Mao lors d'une purge et envoyé à l'usine, puis plus tard en prison : le début d'une longue déchéance pour la famille, cataloguée « ennemie du peuple ». La sanglante « Révolution culturelle » (1966-1976), avec ses millions de morts, a achevé de sortir Xi Jinping de sa jeunesse privilégiée. Àpeine adolescent, le futur dirigeant chinois était obligé de dénoncer son propre père lors de séances d'humiliations publiques, de faire face au fanatisme des « Gardes rouges » qui menaçaient régulièrement de le tuer, de se défendre contre les agressions physiques en pleine rue et, comme le jeune Vladimir Poutine à la même époque, de rendre coup pour coup. Dans cet enfer, sa demi-sœur aînée, Xi Heping, finit par se pendre. Lui cherchait à poursuivre son éducation interrompue en volant des livres dans les bibliothèques fermées par le régime maoïste. Comme des millions de zhiqings(« jeunes instruits »), Xi Jinping a ensuite été envoyé dans des campagnes éloignées pour y être « rééduqué ».
Cette période de la vie du futur président chinois – l'exil à la campagne – fait l'objet de récits contradictoires. Xi Jinping aime la présenter sous un beau jour, racontant même son enthousiasme au moment de quitter la capitale pour apprendre la vraie vie et parfaire son éducation maoïste ; certains reportages et articles dans les médias occidentaux décrivent au contraire cette période comme un insoutenable calvaire. La vérité se situe entre ces deux récits idéalisés ou dramatisés à l'excès. Témoignant d'un sens politique précoce, le jeune Xi Jinping a demandé à partir dans le Shaanxi, région d'origine de son père qui est à la fois un sanctuaire maoïste (Mao et son armée ont eu leur principale base politique et militaire à Yan'an entre 1935 et 1949) et le lieu d'origine de l'Empereur jaune (Huangdi), le mythique père de la civilisation chinoise qui aurait selon la tradition régné il y a plus de 2 600 ans. Mais la vie que le futur président chinois a mené dans la « Terre jaune », qui tire son nom de la couleur du loess, a sans doute été enjolivée par le principal intéressé. Contrairement à ce que raconte sa biographie officielle, Xi a vraisemblablement été accueilli en fils de dirigeant disgracié et soumis à des travaux ingrats. Au bout de trois mois, le fils de Xi Zhongxun a tenté de s'évader, avant d'être arrêté à Beijing comme d'autres déserteurs et d'être envoyé dans un camp de rééducation pour y creuser des canalisations. Renvoyé dans le Shaanxi, le jeune Xi Jinping a ensuite passé sept ans dans un village sous-développé et coupé du monde, Liangjiahe, devenu désormais un lieu de pèlerinage avec un musée consacré à la jeunesse du président.
De cette jeunesse baignée dans la « Révolution culturelle » et ses suites, Xi Jinping a hérité un caractère d'acier. Xi admire Song Jiang5, personnage populaire (inspiré d'une figure historique éponyme) du roman Au bord de l'eau, un des grands classiques de la littérature traditionnelle chinoise écrit au XIVesiècle par Shi Nai'an et Luo Guanzhong. Le parcours personnel de Xi Jinping semble faire écho à ces célèbres vers qu'écrit Song Jiang dans le roman : « Depuis l'enfance, j'ai étudié les classiques et l'histoire et j'ai grandi astucieux et intelligent. Aujourd'hui, tel un tigre endurant en terre sauvage, je m'accroupis les dents et griffes résolues. Un tatouage de criminel sur ma joue, un exil forcé dans le Jianghzou lointain, j'aurai ma revanche un jour et je teindrai en rouge de sang le flux du Xunyang6 ». Mais comme nous le verrons, ce n'est pas contre le Parti communiste chinois et son idéologie que Xi tourne un esprit de revanche : la revanche doit être celle de la Chine sur l'histoire universelle dont elle est sortie durant plusieurs siècles, contre les diverses humiliations infligées à l'Empire du Milieu par l'Occident, et c'est au Parti communiste revivifié par Xi qu'il reviendrait de mener cette revanche.
Vladimir Poutine et Xi Jinping ont aussi en commun d'avoir accédé à la tête de leur pays dans des circonstances aussi inattendues qu'improbables ; on relève également chez eux une force de caractère et une détermination à toute épreuve, doublées du sentiment d'avoir une mission historique à remplir – laquelle pourrait passer par leur association sur la scène internationale et l'approfondissement du partenariat entre leurs deux pays.
Entre l'effondrement de l'URSS et l'émergence de la Chine : l'ascension spectaculaire et improbable de Poutine et Xi
Alors qu'il échappait au monde de la délinquance et cherchait à donner un meilleur sens à sa vie, Poutine a décidé à l'adolescence de devenir agent du KGB. Il aurait eu une révélation devant un film populaire sorti en 1968, Le Glaive et le Bouclier, réalisé par Vladimir Bassov. Dans cette production empreinte de propagande, le héros, joué par Stanislav Lyubshine, infiltre le Troisième Reich avant l'invasion de l'URSS : Poutine s'est mis à rêver de devenir lui aussi un agent héroïque, un James Bond soviétique. Après s'être vu refusé à 15 ou 16 ans d'intégrer le KGB, le jeune homme a travaillé d'arrache-pied pour y entrer. Enfin recruté par les services secrets en 1975, Poutine a commencé au bas de l'échelle, où il a sans doute contribué à traquer des dissidents et des « éléments déviants » de la société soviétique, attendant encore 1985 pour être envoyé à l'étranger comme il le souhaitait ardemment. Il a ensuite occupé à Dresde, alors en République démocratique allemande, des fonctions s'apparentant plus à celles d'un bureaucrate, comme le recrutement d'espions et l'analyse de montagnes de données. Parmi ses missions sur le terrain, Poutine aurait entre autres fait chanter un scientifique pour obtenir l'accès à des études sur des poisons à l'aide d'un kompromat7, été impliqué dans le soutien des services secrets soviétiques aux terroristes d'extrême-gauche de la fameuse « Fraction armée rouge » qui a tué 34 personnes en République fédérale allemande et en Suède, et contribué à d'autres opérations qui lui ont permis d'atteindre le grade de lieutenant-colonel. Malgré cette progression honorable dans la hiérarchie des services secrets, Poutine a vite été déçu par sa carrière, au point que sa femme Lyoudmila (qu'il avait probablement épousée pour être autorisé à partir à l'étranger, le KGB n'envoyant en mission que des hommes mariés) et ses amis se moquaient de lui. Le soir de la chute du mur de Berlin, le futur chef d’État s'est fait remarquer en faisant reculer à lui seul un attroupement de manifestants venus piller les archive des bureaux locaux du KGB et de la Stasi à Leipzig, avant de détruire tous les dossiers sensibles.
Après une carrière décevante de fonctionnaire zélé mais peu épanoui, Poutine s'est adapté avec habilité aux bouleversements nés de la fin de l'URSS. Il s'est vite illustré en devenant le bras droit du maire de Saint-Pétersbourg des années 1990, Anatoli Sobtchak, son ancien professeur de droit à l'université qui a fini par lui mettre le pied à l'étrier en politique. Tout montre qu'au cours de cette période, Vladimir Poutine était lié à la pègre locale, et qu'il s'est enrichi en participant à leurs activités illégales en pleine crise économique et sociale. Son intelligence, son efficacité et son sens politique l'ont conduit, en plein effondrement du système soviétique, dans un monde politique qu'il n'imaginait sans doute jamais rejoindre et dont il a vite maîtrisé les codes. Impliqué par ses responsabilités dans des réseaux oligarchiques et mafieux, Poutine s'est rapidement fait remarquer par les équipes du Kremlin qui l'ont propulsé en 1998 à la tête du FSB, successeur du KGB, d'où il a écarté des adversaires du pouvoir, comme le Procureur général de Russie, Youri Skuratov, qui menait des enquêtes à risque sur les activités illégales du président Eltsine et des oligarques de son bord. Une sextapemontrant un homme ressemblant à Skuratov au lit avec deux femmes fut diffusée par la télévision d’État, puis soumise au FSB qui identifia formellement le Procureur : beaucoup soupçonnent ce kompromatd’être une mise en scène fomentée par le FSB, mais les enquêtes initiées par Skuratov n’ont jamais pu être rouvertes, permettant à l'entourage présidentiel d'échapper à la justice, et à Poutine de poursuivre son ascension. Une ascension durant laquelle Poutine s'est constitué un réseau dont une bonne partie se retrouve encore aujourd'hui au cœur de son pouvoir.
En 1999, en vacances avec sa famille à Biarritz, Poutine recevait d'un oligarque proche d'Eltsine, Boris Berezovski, une proposition stupéfiante : prendre la succession organisée du président, devenu totalement inapte à la fonction, pour protéger les intérêts de son entourage et garder la main sur les affaires de l’État. Si Poutine ne s'attendait sans doute pas à une telle offre, il est cependant probable qu'il ambitionnait, comme d'autres dirigeants russes sonnés par l'effondrement de l'URSS et inquiets pour le futur de leur pays, de contribuer à donner à la Russie un pouvoir plus fort et une autre direction, fût-ce en influant sur le pouvoir plutôt qu'en cherchant à le conquérir et à l'exercer. Nommé Premier ministre en août, Vladimir Poutine devint vite populaire grâce à sa fermeté dans la lutte contre le séparatisme tchétchène et le terrorisme, et à l'image d'homme fort que l'ont aidé à construire des communicants chevronnés. Or, certains des attentats médiatisés de 1999 qui ont permis à Vladimir Poutine de se poser en recours la même année et de déclencher une guerre ayant fait 150 à 200 000 morts sur un million d’habitants semblent avoir été commis par des membres du FSB plutôt que par des terroristes tchétchènes, ou en tout cas perpétrés alors que certains dirigeants du FSB savaient qu'ils allaient se produire et étaient en capacité d'arrêter leurs auteurs. Les journalistes ayant travaillé sur les zones d’ombre entourant ces attentats ont fait l’objet de poursuites judiciaires infondées qui ont entraîné la liquidation de leurs chaînes d’information... voire leur propre liquidation. Alors que l'entourage d'Eltsine s'imaginait le contrôler, Poutine entendait déjà imposer sa propre marque au pays. Le 31 décembre de la même année, Boris Eltsine démissionnait, laissant le jeune Premier ministre devenir président par intérim. Poutinea ensuite remporté la présidentielle de 2000 – qu’il risquait initialement de perdre de la même manière qu’Eltsine aurait perdu l’élection de 1996 sans recourir à la fraude – grâce à son image de dirigeant à poigne. On connaît la suite : une créature qui a échappé à ses créateurs, un homme déterminé qui a saisi les opportunités les plus inespérées pour agir. Aujourd'hui théoriquement en mesure de rester au pouvoir plus longtemps que Staline ou Catherine II, Vladimir Poutine n'a pas seulement réussi à construire tout un système autour de lui : le nom de son pays lui est au XXIesiècle étroitement associé.
Au sortir de la Révolution culturelle et du règne de Mao, Xi Jinping aurait pu nourrir de la rancœur envers le Parti communiste chinois et une volonté de changer le système. Au contraire, Xi est devenu un « dur », viscéralement attaché au Parti et défenseur de la ligne dure. Certains analystes évoquent même une forme de « syndrome de Stockholm ». Le futur dirigeant chinois n'a pas retiré de sa jeunesse une aversion pour l'autoritarisme, la violation des droits de l'homme et le broyage de millions de vies humaines par un système totalitaire, mais la conclusion qu'il fallait être fort, sur le modèle de Mao. Xi et Poutine partagent d'ailleurs tous les deux la caractéristique suivante : pour différentes raisons, les deux hommes estiment que leur propre sécurité (et in extensocelle de leur héritage politique) passe par leur maintien au pouvoir le plus longtemps possible. Il est même probable que les deux dirigeants aient réciproquement intérêt à voir l'autre rester au pouvoir, ce qui implique de se soutenir mutuellement. Xi nourrissait bien une volonté de revanche qu'il a partiellement mise en application en se débarrassant de nombreux rivaux au cours de sa carrière, mais cette volonté de revanche n'était pas tournée contre le Parti, dont il est devenu un véritable missionnaire, au sens où il se sent chargé de remplir la nouvelle mission historique du Parti communiste chinois : bâtir une « nouvelle ère » et (re)faire de la Chine la première puissance mondiale.
Un messianisme qu'on retrouve dans des proportions moindres chez Vladimir Poutine, qui lui se sent probablement chargé de la mission de sauver le « monde russe », laver l'affront de l'effondrement de l'URSS et graver dans le marbre le retour de la Russie comme grande puissance. Lorsque Xi Jinping a pu quitter à 22 ans sa période de « rééducation » à la campagne avec l'aide d'anciens amis de son père, il était totalement déterminé à embrasser une carrière politique. Xi aurait pu chercher à profiter de la réhabilitation progressive de son père pour entrer rapidement dans les milieux dirigeants du PCC. S'il a effectivement profité des relations familiales pour obtenir un poste au ministère de la Défense et restait clairement un privilégié, il a cependant choisi de commencer par la base et de gravir les échelons. L'actuel dirigeant du Parti a échoué à neuf reprises à s'y faire admettre ; la dixième fois a été la bonne. Àpartir de 1979, Xi Jinping a gravi un à un les échelons au sein du Parti-État en s'investissant au niveau local comme un serviteur particulièrement dévoué mais ne faisant jamais de vagues. Depuis la mort de Mao en 1976, le Parti communiste chinois cherchait à tout prix à éviter l'émergence de fortes têtes en mesure d'imposer leur tyrannie personnelle ; les apparatchiks capables de se fondre dans le moule et de « jouer en équipe » étaient préférés aux personnalités charismatiques, contestataires ou porteuses de changement. Après le mandat réformateur et visionnaire de Deng Xiaoping (1978-1989), les mandats de Jiang Zemin (1989-2002) et Hu Jintao (2002-2012) ont ainsi été caractérisés par une absence de leadership fort et de culte de la personnalité des dirigeants, avec un fonctionnement collégial du Parti, un partage des pouvoirs en son sein et la poursuite du « profil bas » sur la scène internationale.
De même que l'ascension de Vladimir Poutine s'est faite dans des circonstances souvent improbables, Xi Jinping est entré en 1997 au Comité central du Parti pratiquement par miracle : 150 sièges étaient à pourvoir dans cet organe stratégique, mais le décompte des voix plaçait Xi à la 151eplace ; le président Jiang Zemin a décidé cette année-là de faire une exception et d'accorder un siège supplémentaire. Lorsque Xi Jinping est entré quelques années plus tard dans les radars des dirigeants du Parti pour son efficacité au niveau local dans la province du Zhejiang (croissance économique record, lutte contre la corruption...) sa stratégie visant à ne pas faire de vagues s'est avérée payante : face à des personnalités étalant leurs ambitions personnelles, Xi avait l'avantage de correspondre au profil discret évoqué plus haut. Marié à une chanteuse alors bien plus connue que lui, Peng Liyuan, Xi a profité de sa nouvelle notoriété pour mettre en avant une image progressiste, moderne, et incarner la « Nouvelle Chine » : lorsqu'il n'était qu'un serviteur local du Parti, Xi a repéré et encouragé des entrepreneurs prometteurs, dont un certain Ma Yun, désormais mondialement connu sous le nom de Jack Ma, fondateur d'Alibaba.
Xi sait d'ailleurs aussi s'en prendre aux grands patrons qui s'écartent de sa vision : des années plus tard, Jack Ma s'étant attiré les foudres de responsables du Parti à l'automne 2020, il semblerait que Xi Jinping lui-même ait contribué à saborder l'entrée en bourse historique d'Ant Group, le géant fondé par M. Ma, tombé en disgrâce8. La disparition de Jack Ma pendant trois mois jusqu'à son retour en janvier 2021, mois qui a entre autres vu l'exécution de l'influent grand patron Lai Xiaomin, condamné pour corruption et polygamie, illustre le durcissement du régime de Xi Jinping qui va jusqu'à tourner progressivement la page de la libéralisation économique pour renforcer le contrôle du PCC sur l'économie. Elle montre aussi que même l'un des patrons parmi les plus riches et puissants du monde ne peut échapper à la volonté du maître de la Chine, tout comme Poutine a réussi au début des années 2000 à soumettre les oligarques en travers de son chemin. Le reporter Didier François cite quelques exemples récents de cette dérive autoritaire : « Ren Zhiqiang, fils de ministre et magnat de l’immobilier, [condamné à] 18 ans de prison pour corruption après avoir questionné dans un article la gestion de la crise sanitaire du coronavirus. Li Huaiqing, banquier, 20 ans de prison pour fraude et subversion après avoir soutenu des mineurs de charbons touchés par une grave maladie des poumons dues à leurs conditions de travail. Geng Xiaonan, grande éditrice, détenue sans procès pour opération commerciale illégale après avoir soutenu financièrement des auteurs dissidents. Ou encore Sun Dawu, gigantesque producteur de poulet et de cochons, arrêté pour avoir alerté les autorités sur une épidémie de fièvre porcine9 ». Pour en revenir à l'ascension de Xi, on note une différence avec son homologue russe : le futur dirigeant chinois s'est illustré à la tête de la province du Zhejiang par un bilan économique respectable qui a aidé sa progression vers le pouvoir national, quand Poutine n'a jamais véritablement réformé l'économie russe en profondeur.
Après avoir triomphé de tous ses rivaux et su placer les différentes factions du Parti derrière lui, Xi Jinping en a pris la tête en novembre 2012 avant d'être investi Président de la République populaire de Chine en mars 2013. De là, Xi a nettement rompu avec ses prédécesseurs en s'imposant comme un leader national fort, martelant sa vision du « rêve chinois » et d'une Chine renouant avec la grandeur pour recouvrer enfin sa place au sommet. Il a progressivement concentré tous les pouvoirs pour devenir le dirigeant chinois le plus puissant depuis Mao ; à l'opposé de toute perspective de « relâchement », Xi a engagé un virage autoritaire et répressif. La liberté de la presse, les droits de l'homme, la contestation du régime, sont désormais au plus bas depuis les années 1970. Un culte de la personnalité qui aurait paru anachronique au début du siècle s'est mis en place pour célébrer « Xi Dada » (« tonton Xi », selon le surnom dont l'ont affublé les Chinois), père de la nation omniprésent. Xi Jinping a engagé une campagne sans précédent de lutte contre la corruption, dont le bilan en 2017 s'élevait déjà à plus de 100 000 inculpations, occasionnant la chute de plus de 120 hauts dirigeants du Parti ou de l'armée dont certains constituaient de potentiels « gêneurs » pour Xi ; cette campagne, qui a été l'un des moteurs de la popularité grandissante de Xi Jinping, a aussi (et surtout) été l'occasion de purger le Parti et la société civile, la lutte contre la corruption à d'autres niveaux restant insuffisante. Poutine a lui aussi utilisé l'arme de la « lutte contre la corruption » pour écarter nombre d'oligarques, politiciens ou dissidents, sans que la Russie n'ait réalisé de progrès suffisants en la matière. Comme Poutine, Xi est d'ailleurs moins regardant sur la corruption ou les pratiques frauduleuses de son entourage que chez ses adversaires... Poutine s'est « contenté » d'entreprendre un virage autoritaire qui se heurte encore à de nombreux obstacles et résistances au sein de la société russe ; Xi Jinping, lui, a entrepris l'édification d'un système totalitaire dont on peine à prendre la pleine mesure.
S'agissant de la défense, là où Vladimir Poutine a opéré un redressement spectaculaire des forces russes après leur effondrement qui avait suivi celui de l'URSS, Xi Jinping a accéléré comme jamais la montée en puissance des forces chinoises et a clairement exprimé les nouvelles ambitions que celles-ci devaient nourrir pour « devenir une armée de classe mondiale » d'ici le milieu du siècle et se « préparer pour la guerre ». Et là où Vladimir Poutine a réussi le grand retour de la Russie sur la scène internationale dont il s'est devenu l'un des principaux protagonistes, Xi Jinping a véritablement affirmé l'avènement de la Chine comme superpuissance. L'époque où le géant endormi devait faire « profil bas », selon les recommandations de Deng, est définitivement révolue. Avec Xi, la Chine semble s'être davantage faite entendre sur la scène internationale depuis 2012 qu'elle ne l'avait fait depuis les années 1980. Àla tribune des Nations unies, Deng Xiaoping avait juré refuser que son pays veuille devenir un jour une superpuissance impérialiste ; Xi Jinping a confirmé devant le monde entier que la Chine entendait parvenir à un tel but. Xi ne s'affirme pas seulement comme le dirigeant chinois le plus emblématique depuis Mao, il est le dirigeant chinois le plus connu à l'étranger depuis ce dernier. Autre point commun avec Vladimir Poutine, Xi Jinping assimile son nom à celui de la Chine nouvelle et inversement, créant un précédent pour le XXIesiècle ; déjà reconnu par de nombreux observateurs comme étant l'homme le plus puissant du monde, Xi est le premier dirigeant chinois à être non plus un dirigeant important sur la scène internationale mais un vrai leaderdu monde globalisé, capable de faire de l'ombre au président des États-Unis, et il le restera jusqu'à son départ du pouvoir. Ses successeurs hériteront de ce nouveau rôle : sauf si le régime ne survit pas à Xi Jinping, celui (ou celle, mais c'est peu probable) qui lui succédera à la tête de la Chine sera probablement un dirigeant d'envergure mondial, une sorte de pendant chinois et autoritaire du président des États-Unis et ce quelque soit son charisme personnel et l'étendue de son pouvoir personnel.
Fin 2017, le XIXeCongrès du Parti communiste chinois a renouvelé pour cinq ans son mandat à la tête du pays sans qu’un successeur soit désigné ; le Parti a ensuite entériné début 2018 le fait que Xi pourrait potentiellement rester président à vie. Si peu de gens auraient su parier à l'avènement de Vladimir Poutine que ce dernier finirait au pouvoir au moins un quart de siècle (soit jusqu'en 2024) et théoriquement jusqu'en 2036, la perspective d'une présidence à vie de Xi Jinping était plus improbable encore à son arrivée au pouvoir. La véritable restauration dictatoriale à laquelle s'est livré Xi en devenant le dirigeant chinois le plus autoritaire depuis Mao paraissait tout aussi inconcevable. « L’Empereur rouge » a réussi à rompre l’équilibre entre factions pour imposer ses alliés à la tête des principales institutions du Parti-État ou à en prendre directement le contrôle. C'est notamment le cas de l'Armée populaire de Libération, que Xi a réussi à placer plus que jamais sous le contrôle du Parti et donc sous le sien, dans le but d'en faire l'un des piliers de la superpuissance chinoise (officiellement, l'armée Chinoise est l'armée du Parti, non celle de la Nation). Surtout, Xi Jinping a réussi à obtenir que sa « pensée » soit inscrite dans la Constitution chinoise et la charte du PCC. La « théorie Deng Xiaoping » avait été érigée au rang de « guide de l'action » dans la charte du Parti communiste l'année de la mort de Deng. Xi Jinping a lui obtenu que sa pensée soit mise en avant comme guide de l'action du Parti, en son nom et en son vivant, ce qui n'était jamais arrivé depuis Mao. S'il est probable que Xi restera au pouvoir au moins jusqu'au début de la décennie 2030, sa vision pour la Chine pourrait même lui survivre.
Vladimir Poutine et Xi Jinping se sont tous deux imposés comme potentiels dirigeants à vie, et devraient conserver au cours de la décennie actuelle une relation personnelle d'autant plus spéciale que les deux dirigeants sont les seuls représentants d'une catégorie à part de chefs d’État : des autocrates à la tête respectivement d'une ex-superpuissance et d'une superpuissance émergente, pour une durée potentiellement illimitée. On remarque d'ailleurs que les deux dirigeants s'inspirent mutuellement : là où Xi Jinping semble s'inspirer en partie de son homologue russe pour bâtir sa stature de dirigeant fort en rupture avec ses prédécesseurs (il est en tout cas avéré que la nouvelle politique étrangère chinoise s'inspire de la diplomatie russe, de la posture agressive à la guerre de l'information en passant par l'imposition de faits accomplis), il est possible que Vladimir Poutine et son entourage aient vu dans l'avènement d'une présidence à vie de Xi Jinping une source d'inspiration.
Leur longévité va lier davantage encore les deux autocrates qui ont déjà bâti une relation de confiance. Au pouvoir durant seize ans, de 2005 à 2021, Angela Merkel avait entretenu avec Vladimir Poutine une relation exceptionnelle parmi les dirigeants du monde démocratique : si M. Poutine reste au pouvoir jusqu'en 2036 et que son homologue chinois s'y maintient jusqu'à cette horizon, les deux hommes qui ont noué une relation proche dès 2013 auront à poursuivre leur relation pour une quinzaine d'années supplémentaires. Lorsque l'on connaît les bouleversements qu'ont connu la Russie, la Chine et le reste du monde durant les seize années au pouvoir de madame Merkel, une telle comparaison permet de mettre les choses en perspective, d'autant plus que l'histoire semble promise à accélérer encore pour les quinze années qui viennent.
Partageant de nombreux points communs dans leur trajectoires et personnalités respectives, Vladimir Poutine et Xi Jinping partagent désormais un statut comparable sur la scène internationale, en dépit de l'écart de puissance croissant entre leurs deux pays. Associée à une vision du monde et des intérêts stratégiques qui se rejoignent plus souvent qu'il n'y paraît, cette proximité personnelle est un élément de plus qui laisse augurer d'un approfondissement durable du partenariat russo-chinois.
1Evan Osnos, « Born Red : How Xi Jinping, an unremarkable provincial administrator, became China’s most authoritarian leader since Mao », The New Yorker, 6 avril 2015, https://www.newyorker.com/magazine/2015/04/06/born-red
2François Bougon, Dans la tête de Xi Jinping, Paris, Actes Sud, 2017, p. 45.
3Guillaume Perrier, Dans la tête de Recep Tayyip Erdogan, Paris, Actes Sud, 2018, p. 15.
4Jeremy Bender, « Putin: 'The streets of Leningrad taught me one thing' », Business Insider, 22 octobre 2015, https://www.businessinsider.com/putin-the-streets-of-leningrad-taught-me-one-thing-2015-10?IR=T
5Evan Osnos, « Born Red : How Xi Jinping, an unremarkable provincial administrator, became China’s most authoritarian leader since Mao », The New Yorker, op. cit.
6Shi Nai'an, Luo Guanzhong, Water margin : Outlaws of the marsh [Au bord de l'eau], World Public Library Edition, trad. Sidney Shapiro, p. 393-394, http://uploads.worldlibrary.net/uploads/pdf/20130423230739the_outlaws_of_the_marsh_pdf.pdf
7Éléments pornographiques compromettants, généralement fabriqués de toute pièce.
8Jing Yang, Lingling Wei, « China’s President Xi Jinping Personally Scuttled Jack Ma’s Ant IPO », The Wall Street Journal, 12 novembre 2020, https://www.wsj.com/articles/china-president-xi-jinping-halted-jack-ma-ant-ipo-11605203556
9Didier François, « Pourquoi l'exécution d'un ex-grand patron dit beaucoup du durcissement du régime chinois », Europe 1, 29 janvier 2021, https://www.europe1.fr/international/pourquoi-lexecution-dun-ex-grand-patron-dit-beaucoup-du-durcissement-du-regime-chinois-4021800