Une vision politique ambitieuse pour la Francophonie

La francophonie est un atout aussi immense qu’inexploité pour la France, et pour tous les pays ayant le français en partage. Il est temps de passer à une vraie Francophonie politique.

Une vision politique ambitieuse pour la Francophonie

La francophonie est un atout aussi immense qu’inexploité pour la France, et pour tous les pays ayant le français en partage. Il est temps de passer à une vraie Francophonie politique.

Plus de 300 millions de personnes parlent aujourd’hui notre langue dans le monde, dont 235 millions quotidiennement ; 132 millions de personnes apprennent le français, ce qui en fait la langue la plus apprise après l’anglais. En 2050, du fait notamment de la croissance démographique africaine, le nombre de francophones pourrait mécaniquement dépasser les 700 millions. Le français est aussi la deuxième langue des organisations internationales, la troisième langue des affaires, la quatrième langue d’Internet… La langue de Molière est langue officielle dans 32 États et gouvernements et bénéficie de dispositions privilégiées dans bien d’autres pays encore. Le français a été pendant des siècles la langue d’expression du génie humain et de communication entre les élites de nombreux pays, il est aujourd’hui en passe de déterminer le futur de la mondialisation et de jouer un nouveau rôle dans l’Histoire universelle.

La francophonie est souvent vue en France sous un angle culturel, comme un simple outil d’influence et de rayonnement. Pour nous à Objectif France, l’enjeu est beaucoup plus vaste. La francophonie recouvre ainsi un espace où tous les habitants ne parlent pas français, mais appartiennent à une véritable sphère francophone. Cet Espace francophone de 540 millions d’habitants représentait en 2016 plus de 7,3% de la population mondiale (contre 6,4% en 2000) et 8,7% du PIB de la planète (avec entre autres 10,9% des exportations et 12,2% des importations mondiales). On y trouve aussi bien des pays développés comme le nôtre que des nations en plein développement ou à l’aube de celui-ci, une population active au fort potentiel que des ressources stratégiques. Dans une définition encore plus large, celle des 84 États membres de l’Organisation internationale de la Francophonie, la galaxie francophone rassemble 900 millions d’habitants et produit 14% des richesses du monde dont elle représente 20% des échanges commerciaux. Or, l’Espace francophone connaîtra un essor économique et démographique spectaculaire dans les prochaines décennies. Le potentiel de la francophonie est donc immense !

Les dirigeants français ne font pratiquement rien pour la francophonie, au point que la France s’investit beaucoup moins que la plupart des États francophones. La francophonie, en attendant que la France veuille bien être au rendez-vous de l’Histoire, se développe sans nous, preuve qu’il est possible d’avancer rapidement avec nos partenaires francophones si nous fixons avec eux des objectifs communs.

Les États et territoires ayant le français en partage ont tout intérêt à développer la francophonie. Dans les pays du « Sud », la francophonie, pensée, bâtie et animée par des personnalités locales, est tout sauf une survivance coloniale comme on l’assène souvent en France. À titre d’exemple, les pères fondateurs de la francophonie ont aussi été des meneurs indépendantistes et des héros nationaux : Léopold Sédar Senghor au Sénégal, Habib Bourguiba en Tunisie, Hamani Diori au Niger, Norodom Sihanouk au Cambodge… Les deux grands promoteurs de la Francophonie politique ont été des figures de l’émergence de l’ancien « Tiers-Monde » : l’Égyptien Boutros Boutros-Ghali, et le Sénégalais Abdou Diouf. La francophonie est pour ces pays un facteur et un moyen de développement. Parmi les pays développés, le Québec, la Suisse romande et la Wallonie misent sur notre langue pour défendre leurs intérêts au sein du Canada, de la Suisse et de la Belgique, ainsi qu’à l’international. La francophonie est pour eux une communauté d’appartenance toute particulière.

Il est donc à la fois à la fois possible et nécessaire de co-construire avec les autres États francophones un ensemble géopolitique solide, capable de peser dans les affaires du monde. De même que la France participe à la construction européenne qu’elle a grandement initiée, il lui faut s’impliquer activement dans la construction d’une communauté politique de la Francophonie, qui pourrait devenir à terme une Union francophone. À plus court terme, il faut prendre enfin des mesures concrètes, avec des moyens à la hauteur, pour faire vivre la francophonie en France et la renforcer à l’international.

Aurélien Duchêne