Tribune pour le journal « La Tribune » : « Pourquoi la Francophonie peut être un antidote à notre déclin international »

De la culture à l'économie, de la refondation des relations avec l'Afrique à notre rôle dans la mondialisation, une ambition politique pour la Francophonie peut transformer notre place dans le monde.

Tribune pour le journal « La Tribune » : « Pourquoi la Francophonie peut être un antidote à notre déclin international »

De la culture à l'économie, de la refondation des relations avec l'Afrique à notre rôle dans la mondialisation, une ambition politique pour la Francophonie peut transformer notre place dans le monde.

Lien vers la tribune sur le site du journal La Tribune : https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/pourquoi-la-francophonie-peut-etre-un-antidote-a-notre-declin-international-913811.html

Cette campagne présidentielle aura donné plus de place qu'aucune autre aux enjeux internationaux. L'invasion de l'Ukraine a donné un tout autre sens aux concepts d'Europe-puissance et de souveraineté européenne, ainsi qu'aux débats sur le rôle et le poids de la seule France dans les bouleversements du monde. Mais il y a eu une absente dans cette campagne : la francophonie ! Alors que la France s'inquiète plus que jamais de son déclin stratégique (ainsi des réactions à l'affaire AUKUS), la francophonie est pourtant un atout immense pour réinventer notre rôle international.

Une semaine avant l'invasion de l'Ukraine, la France annonçait le départ de ses forces du Mali où se répand un sentiment anti-français, comme dans l'essentiel de l'Afrique francophone. Ce sentiment anti-français repose sur une désinformation massive et irrationnelle, mais aussi sur un légitime ressentiment envers les déséquilibres dans les relations entre entre la France et ses anciennes colonies, que les Africains ne tolèrent plus. Au point de souhaiter, pour une part croissante d'entre eux, « dégager » la France. Le risque d'une rupture progressive avec l'Afrique francophone, qui pourrait même s'accompagner d'un inexorable recul du français, est réel. Là encore, la francophonie est probablement la clé pour rebâtir une relation équitable et mutuellement bénéfique.

Le potentiel immense du « monde francophone »

Notre pays a ses racines en Europe, à laquelle son destin est lié. Mais nous appartenons aussi à un vaste monde francophone qui rassemble des États sur tous les continents, du Québec à l'océan Indien. Aujourd'hui informel et sous-valorisé, cet ensemble linguistique pourrait demain nourrir des partenariats gagnant-gagnant entre des États qui pourront peser ensemble davantage sur les affaires du monde. Avoir une langue et parfois des valeurs en commun, c'est avoir une part d'avenir en commun.

Plus de 300 millions de personnes parlent aujourd’hui notre langue dans le monde, dont 235 millions quotidiennement ; 132 millions apprennent le français, qui est la langue la plus apprise après l’anglais. Langue officielle dans 32 États et gouvernements, le français est aussi la deuxième langue des organisations internationales, la troisième langue des affaires, la quatrième langue d’Internet... En 2050, du fait notamment de la croissance démographique africaine, le nombre de francophones pourrait dépasser les 700 millions. Certes, les projections à long terme sont souvent démenties, mais notre langue est celle dont le nombre de locuteurs croît le plus vite dans le monde !

Dépassant le seul cadre de la langue, la francophonie recouvre aussi un espace où tous les habitants ne parlent pas français, mais appartiennent à une véritable sphère francophone qui peut devenir le socle d'une francophonie intégrée. Alors que le fait d'avoir une langue en commun facilite les échanges commerciaux, les investissements et donc la croissance, l’espace francophone connaîtra un essor économique et démographique spectaculaire dans les prochaines décennies. Dans sa définition la plus réduite, cet espace francophone de 540 millions d’habitants représentait, en 2016, plus de 7,3% de la population mondiale, 8,7% du PIB de la planète, 10,9% des exportations du monde ; des chiffres qui ont augmenté depuis. La plupart de ces pays sont des pays encore en développement, avec une population jeune, des marchés émergents, et des ressources stratégiques convoitées par des puissances comme la Chine.

Bâtir une véritable Francophonie politique

La francophonie a également un potentiel politique sous-exploité par nos dirigeants depuis des décennies, et qui risque en Afrique de se heurter au sentiment anti-français décrit plus haut. Mais une Francophonie politique, fondée sur des relations équilibrées et promotrice de partenariats gagnant-gagnant, est le meilleur cadre possible pour bâtir une nouvelle relation avec l'Afrique qui soit profitable aux populations des deux côtés de la Méditerranée. C'est plus largement la clé pour réinventer l'influence française en Afrique sur des bases plus saines et respectueuse des souverainetés.

De même que la France participe à la construction européenne qu’elle a grandement initiée, il lui faut bâtir avec les États et régions volontaires un ensemble géopolitique solide, capable de peser dans les affaires du monde. D'abord centré autour d'un noyau dur, un tel ensemble serait un multiplicateur de puissance pour la France et pour les autres États-membres qui tireront profit de leur appartenance à cet ensemble. Face à une compétition agressive entre États-puissances, aux menaces et opportunités d'une mondialisation que les pays francophones subissent souvent plus qu'ils n'en profitent, la francophonie est un atout immense pour la France et pour toutes les nations qui ont le français en partage.

Le développement d'une Francophonie politique et économique ambitieuse doit donc devenir une priorité stratégique du nouveau quinquennat. Pour que l'avenir du monde s'écrive aussi en français !