Ubérisation : concilions liberté et protection sociale
Cependant, il faut fixer un cadre qui concilie la liberté qu'autorisent ces plateformes et davantage de protection.
La classe politique française se fourvoie en essayant de stopper l'ubérisation par la contrainte : l'ubérisation n'est pas sans aspect positifs pour la France. Cependant, il faut fixer un cadre qui concilie la liberté qu'autorisent ces plateformes et davantage de protection.
La fin du salariat n'est pas pour demain. Mais l'ubérisation, si elle restera un phénomène minoritaire, va concerner de plus en plus de Français et de secteurs d'activité à court et moyen termes. Ce phénomène peut constituer une chance pour notre économie, en particulier pour les jeunes ou pour des actifs en situation difficile, mais il peut aussi fragiliser notre protection sociale en même temps qu'il fragilisera d'anciens secteurs d'activité « ubérisés », ou entraîner de nouvelles formes de précarisation. Une économie qui s'adapte par le haut aux mutations du monde doit donc faire de l'ubérisation et du travail des plateformes un enjeu à part entière. Il en va de même pour l'émergence d'une économie circulaire pour réussir la transition écologique, et plus collaborative pour renforcer le lien social : du covoiturage aux reventes entre particuliers, libérer et promouvoir les bons aspects de l'économie des plateformes peut permettre d'avancer beaucoup plus efficacement qu'avec toujours plus de dépenses publiques et de réglementations.
Aujourd'hui, 200 000 Français, soient 0,8% des actifs occupés, travaillent pour des plateformes comme Uber et Deliveroo, ou dans une autre logique Le Bon Coin, Airbnb ou BlaBlaCar. De plus en plus de jeunes financent leurs études ou leur formation, cherchent leurs premiers revenus voire entrent pleinement dans la vie active en devenant par exemple livreurs à vélo, inscrits au registre des auto-entrepreneurs avec un numéro de SIRET. Des milliers d'actifs ayant souvent enchaîné CDD et petits boulots, de chômeurs longue durée ou de jeunes n'ayant pas réussi à entrer sur le marché du travail, trouvent une source de revenus rapide en devenant chauffeurs pour des plateformes comme Uber. Quant aux particuliers qui louent leur logement sur des plateformes telles qu'Airbnb, ou vendent et achètent sur des sites comme Le Bon Coin, ils bénéficient d'un progrès qu'aucun homme politique ne viendra annuler.
L'ubérisation et le travail des plateformes ont donc d'indéniables avantages, pour les travailleurs, les utilisateurs et les employeurs. Vouloir surtaxer, sur-réglementer ou interdire ces activités en plein développement comme le propose la majorité de la classe politique serait stupide. Cependant, il faut fixer un cadre qui puisse concilier la liberté qu'autorisent ces plateformes et davantage de protection.
Nous devons garantir une véritable protection sociale pour les travailleurs des plateformes, notamment face aux risques liés à leur activité, inscrire des dispositions adaptées dans le code du travail. Dans la même logique, nous devons aussi permettre une meilleur autonomie des travailleurs des plateformes tout en leur assurant un rapport de forces plus favorable face à la hiérarchie de leur entreprise en cas d'abus, garantir la défense par les travailleurs de leurs droits sociaux auprès des plateformes, instaurer un dialogue clair entre indépendants et plateformes. Il est capital, ensuite, que les plateformes – étrangères en premier lieu – jouent le jeu en matière de fiscalité, de droit à la retraite, ou de respect des lois sur des sujets aussi variés que le logement, le travail des sans-papiers ou la restauration. Enfin, nous devons favoriser le décollage et la croissance des plateformes françaises, en France comme à l'étranger ; des plateformes qui s'avéreront plus soucieuse du respect de notre modèle de protection sociale.