La politique spatiale peut contribuer au redressement national

Au vu des difficultés que connaît notre pays, toute ambition spatiale apparaît comme déconnectée des réalités. Pourtant, une politique raisonnable mais volontariste dans ce domaine peut contribuer au redressement national.

La politique spatiale peut contribuer au redressement national

Au vu des difficultés que connaît notre pays, toute ambition spatiale apparaît comme déconnectée des réalités. Pourtant, une politique raisonnable mais volontariste dans ce domaine peut contribuer au redressement national.

Le XXe siècle a posé les jalons de l’aventure spatiale, le XXIe siècle devrait voir des progrès plus grands encore. Mais dans la France d’aujourd’hui, il est difficile de voir en quoi un enjeu aussi éloigné des réalités du quotidien, aussi déconnecté des urgences qui minent notre pays, peut avoir sa place dans un projet crédible de redressement national.

De son budget spatial par habitant, le deuxième du monde, à nos grandes entreprises en passant par le centre de Kourou (Guyane) et notre excellence aéronautique, la France reste l’une des plus grandes nations spatiales du monde, malgré l’énorme décalage avec les États-Unis ou la Russie. Mais il est clair que notre pays peut difficilement rêver d’horizons étoilés, faute de moyens et d’intérêt. Si la France peut avoir une ambition spatiale, c’est dans le cadre européen.

Notre pays a de plus d’autres grandes conquêtes à mener, d’atouts gigantesques à exploiter enfin, sur lesquels concentrer notre volonté politique et nos moyens humains et financiers : la Mer, la Francophonie et la transition écologique, qui sont des priorités sur lesquelles la France peut agir seule. L’espace ne peut donc raisonnablement pas faire partie de ces grandes conquêtes nationales dans lesquelles nous voulons projeter la France sur le long terme.

Cependant, l’espace est un enjeu économique, scientifique, sécuritaire et de souveraineté que notre pays doit prendre au sérieux, fut-ce en agissant pour une plus grande action européenne.

Sur 39 000 emplois directs à plein temps pour l’industrie spatiale en Europe, le tiers est situé en France, qui fait travailler 14 000 personnes dans le secteur spatial. Celui-ci dépassait les 260 milliards de chiffre d’affaires mondial en 2016, et pourrait atteindre entre 1 100 et 2 700 milliards entre 2040 et 2050.

La conquête spatiale a déjà apporté des progrès considérables dans la vie quotidienne, dont on oublie souvent l’origine. L’aspirateur sans fil, l’emballage de chips, le panneau solaire, le vélo poids plume, les lunettes à écran, la pompe cardiaque, la couverture de survie, les freins à disque céramique, le thermomètre d’oreille, le détecteur d’incendie, le purificateur d’eau, la pile à combustible, le matelas à « mémoire de forme », le casque à micro, le GPS, les semelles collées, et d’une certaine manière le téléphone portable et l’ordinateur personnel, ont été conçus ou mis au point grâce au secteur spatial ! La France a d’immenses talents dans le secteur spatial, qui pourraient par leur travail et leur créativité apporter de nouvelles innovations facilitant notre vie quotidienne.

Les 1 500 satellites aujourd’hui en activité (on en comptera 7 500 en 2025) sont devenus indispensables à nos sociétés contemporaines : GPS utilisés chaque jour pour la plupart des transports, télécommunications civiles et militaires, observation de la Terre pour des missions allant de la météorologie à la gestion des ressources naturelles en passant par la défense et la prévention/gestion des catastrophes humanitaires… On le sait peu, mais les Français utilisent chaque jour entre 10 et 40 satellites !

De là un enjeu de souveraineté, notamment sur le plan militaire. En mars 2019, l’Inde a montré qu’elle était en capacité de détruire un satellite depuis la Terre, ce qui est considéré comme une preuve de puissance à l’international. La France et l’Europe sont bien placées pour les lancements commerciaux, mais elles accusent toutes deux un certain retard sur le plan militaire. Les initiatives prises par Florence Parly pour améliorer la défense spatiale de la France vont déjà dans la bonne direction, et doivent être confirmées, puis amplifiées à l’avenir. L'annonce par Emmanuel Macron en août 2019 d'un commandement militaire dédié à l'espace est une avancée majeure, qui se traduira cependant difficilement en actes si elle n'est pas suivie de moyens à la hauteur.

Le général Philippe Lavigne, chef d’état-major de l’armée de l’air, expliquait en octobre 2018 que « si nous perdons la guerre dans l’espace, nous perdrons la guerre tout court ». Le gouvernement actuel accorde déjà des moyens conséquents à la défense spatiale, qui bénéficiera de 3,6 milliards d’euros d’ici 2025. La LPM actuelle, doit renouveler l’ensemble des programmes spatiaux dans les années à venir (programme CERES d’écoute électromagnétique, programme CSO d’observation spatiale, programme Syracuse 4 pour les télécommunications). D’ici la fin de l’actuel quinquennat, le lancement de nouveaux satellites contribueront déjà à porter notre pays à la pointe des technologies et équipements militaires spatiaux. S’il faudra aller plus loin dans le futur, les efforts accomplis ou en voie de l’être sont déjà un excellent signe.

Gardons enfin à l’esprit l’aventure scientifique à laquelle la France et l’Europe peuvent toujours participer activement, contribuant à notre rayonnement mondial autant qu’à la connaissance humaine.

Aucun homme n’est retourné sur la Lune depuis 1972, et depuis, l’exploration humaine s’est limitée à l’orbite terrestre où se multiplient les projets civils et militaires, tandis que des sondes et robots explorent notre système solaire de façon toujours plus précise.

L’Europe semble pour le moment figurer parmi les géants de la course aux étoiles. La mission à bord de l’ISS de notre astronaute Thomas Pesquet a suscité un vaste intérêt du grand public. De même, la mise en service du GPS européen Galileo, garant d’une certaine indépendance, ou le succès de la sonde Rosetta/Philae ont été de belles réussites pour l’Europe spatiale, alors que les États européens dépensent dans l’ensemble moins que les grandes puissances concurrentes.

Un projet de redressement national ambitieux un volet spatial qui reflète l’importance de cet enjeu d’avenir. Il ne s'agit pas d'une lubbie, mais d'une option politique tout à fait crédible.