Les relations économiques, révélatrices des intérêts communs comme des profonds déséquilibres entre la Russie et la Chine
Le développement des relations économiques russo-chinoises est à la fois l'une des premières causes et l'une des principales conséquences du rapprochement entre Beijing et Moscou. Tirée par la croissance rapide des deux économies jusqu'aux années 2010 (avant que la Russie ne pâtisse d'un ralentissement économique lié notamment au cours des hydrocarbures et aux sanctions occidentales), cette relation est depuis lors entrée dans une nouvelle phase. Une nouvelle phase que le besoin pour la Russie de réduire sa dépendance aux économies occidentales et de compenser l'effet des sanctions qu'elle subit depuis 2014 ne suffit pas à expliquer entièrement : vu de Moscou, le rapprochement économique avec la Chine obéit aussi à des considérations indépendantes des tensions avec les États-Unis et leurs alliés. Côté chinois, où les marges de manœuvre économiques sont bien supérieures – y compris au plan commercial, le rapprochement économique avec le voisin russe présente lui aussi de nombreux avantages. De l'énergie à l'industrie de défense en passant par les technologies stratégiques, la Chine et la Russie ont des intérêts communs qui justifient une relation étroite et durable. Nous verrons que cette relation est à la fois plus étroite et plus diversifiée qu'il n'y paraît, avec des perspectives d'avenir plus encourageantes que n'ont tendance à le croire la plupart des observateurs occidentaux.
Mais l'une des principales caractéristiques de la relation économique russo-chinoise est son déséquilibre en faveur de la Chine, lequel est aussi flagrant que croissant. Un déséquilibre qui se retrouve dans les écarts de PIB nominal, le PIB chinois étant déjà huit fois supérieur à celui de la Russie : selon ce même indicateur, la Chine est au deuxième rang mondial quand la Russie a été rétrogradée au dixième, voire au onzième rang. En termes de parité de pouvoir d'achat, l'écart est toujours béant entre une Chine qui a ravi leur première place aux États-Unis au milieu de la décennie 2010 est une Russie au sixième rang. Alors que la Chine est dix fois plus peuplée que sa voisine du nord, cet écart de puissance se nourrit aussi côté russe de la crainte d'une vassalisation économique. Si le déséquilibre entre les deux économies est atténué par leur interdépendance – notamment dans le domaine énergétique, il est renforcé par le dynamisme supérieur de l'économie chinoise et le leadership de Beijing sur les plans technologique, industriel ou encore financier. Dans les mêmes domaines, c'est la souveraineté de la Russie qui pourrait être menacée par une trop forte dépendance envers la Chine. Une dépendance qui pourrait aussi devenir dangereuse dans le domaine des hydrocarbures, alors que la Russie voit paradoxalement dans le marché chinois une alternative à l'Europe pour diversifier ses débouchés commerciaux. Ce déséquilibre économique entre les deux pays et cette crainte qu'éprouvent les Russes d'être assujettis à la puissance chinoise sont présentés comme l'un des principaux obstacles à la pérennité du partenariat entre Beijing et Moscou. Mais qu'en est-il vraiment ? Entre méfiance et intérêts communs, qu'est-ce qui devrait l'emporter dans un futur proche ?
L'industrie de l'armement et ses dérivés civils au cœur du partenariat stratégique russo-chinois
La Russie a établi de premières coopérations militaires avec la Chine dès la chute de l'URSS, dans un intérêt d'abord commercial. Avec l'embargo euro-américain sur les ventes d'armes imposé après le massacre de Tian'anmen en 1989, la Russie a été l'un des seuls pays (la seule grande puissance militaire) à vendre des armes à la Chine, laquelle cherchait à moderniser rapidement ses équipements militaires, notamment dans ses forces navales. Alors que l'URSS avait participé à la reconstruction des forces de la République populaire de Chine dès sa fondation, le fait que la toute jeune Fédération de Russie soit vite devenue la seule source extérieure de modernisation et d'équipement conventionnel des armées chinoises a fait naître une continuité faisant de la Russie un partenaire essentiel jusqu'à aujourd'hui. Comme l'écrit François Brévot : « Sans coopération russe, les armées chinoises auraient encore une génération de retard sur l’Occident. En 1991, elles alignaient près de 3 000 avions des années 1960 et 1970 [...]. De 2008 à 2017, les budgets de défense ont progressé de 110 %, mais l’industrie stagnait dans les standards technologiques des années 1960. En 1998, la Russie changeait la donne, livrant une usine clef en main pour l’assemblage sous licence de 200 Su-27 [...]. Une centaine de Su-30 MKK ont été commandés en 2000. L’armée chinoise entrait dans l’ère des avions de 4egénération1 ».
Beijing et Moscou ont respectivement été jusqu'en 2007 le premier client de l'un et le premier fournisseur de l'autre sur les marchés de l'armement ; à partir de cette date, les industries de défense chinoises ont commencé à acquérir une plus grande autonomie, y compris en copiant des technologies et systèmes d'armes made in Russia comme les Su-27, dont Moscou a vendu des exemplaires sous licence dans les années 1990. Cette contrefaçon est toujoursdénoncée par divers acteurs de la BITD russe. La Russie a réalisé à ce moment qu'elle était en train d'aider un futur concurrent redoutable sur les marchés internationaux de l'armement, tout en restant consciente de l'intérêt d'une coopération avec la Chine. Cette inquiétude est appelée à se renforcer puisque deux nouveautés font de la Chine un concurrent sérieux : la montée en gamme des industries chinoises ; le fait que la Chine soit un partenaire économique, politique et technologique globalement plus intéressant que la Russie pour la plupart des clients potentiels, ce qui pourrait pousser de plus en plus de pays à faire le choix d'armements et équipements chinois (sauf si la crainte d'une trop grande dépendance à la Chine l'emporte).
A partir de 2014, pour des raisons à la fois économiques et stratégiques essentiellement consécutives à l'agression de l'Ukraine et ses conséquences internationales, la Russie a renouvelé ses ventes d'armes en incluant désormais des technologies et équipements dont elle rechignait jusqu'ici à faire profiter l'armée chinoise, en supprimant les derniers obstacles à l'acquisition par la Chine de matériels de haute technologie. Moscou a ainsi déjà accepté de vendre à son voisin deux batteries de systèmes de défense antiaérienne et anti-missiles S-400 et 24 chasseurs multi-rôle Soukhoï Su-35. Chose inimaginable avant le tournant de 2014, la Russie souhaite même vendre à la Chine le futur Soukhoï Su-57, avion de combat de cinquième génération entré en service en décembre 2020. S'agissant des copies chinoises, la Russie reste et restera toujours méfiante. Plusieurs éléments de l'actualité récente montrent que les Russes sont de plus en plus prudents à ce sujet. Il semblerait que les négociateurs russes aient conditionné la vente de moteurs AL-31F (fabriqués par l'entreprise russe Lyulka) à la Chine à l'achat par cette dernière d'avions de chasse Su-35 supplémentaires, conduisant les Chinois à renoncer à l'achat de ces moteurs made in Russia et à se reposer sur des technologies made in China2. Dans le même secteur d'armement, des médias chinois ont rapporté que des pièces sensibles des Su-35 vendus à la Chine ont été soudées par les Russes pour protéger leur technologie de la copie chinoise3. Mais il convient de nuancer le tableau. Les industries russes ont en effet d'une certaine manière profité de la contrefaçon chinoise. Pour citer à nouveau François Brévot : « sans l’aval de la Russie, Shenyang [Shenyang Aircraft Corporation, géant chinois de l'aéronautique]a continué à assembler des copies de Su-27, les J-11B, dès 2007, puis de Su-30 MKK, les J-16, en 2012. [...]Les J-15 embarqués sur le Liaoning, premier porte-avions chinois, ont été conçus à partir d’une cellule d’un Su-33 livrée par l’Ukraine en 2001. Au lieu d’entrer dans un conflit politique contre la Chine, les industriels russes ont retourné la situation à leur avantage. En 2012, la Chine était encore incapable de produire un réacteur fiable ! pour ses avions de chasse. [...]La Chine n’avait donc pas le choix : elle devait se tourner vers le russe NPO Saturn pour se faire livrer des milliers de réacteurs AL-31F pour motoriser ses Sukhois clonés. Finalement, l’industrie russe a tiré un bénéfice financier du piratage de ses avions par la Chine4 ».
On ne relève pas encore une envolée des contrats d'importance autour de technologies militaires critiques, mais ce type de contrats mettant plusieurs années à être élaborés, il est possible que la Chine et la Russie puissent en signer un nombre important dans la décennie 2020. Les coopérations sont déjà nombreuses dans divers dossiers technologiques ; Chine et Russie travaillent par exemple au développement de stations au sol pour améliorer les services de navigation et localisation GLONASS (russe) et Beidou (chinois) dans les deux pays. Les deux pays ont d'ailleurs décidé en 2021 d'approfondir leur collaboration dans le domaine des satellites et dans le développement d'un « rival du GPS5 » – enjeux qui seraient cruciaux dans le cas d'un hypothétique conflit contre les Etats-Unis, qui auraient à projeter des forces à des milliers de kilomètres de leur patrie là où Russes et Chinois se battraient à proximité de la leur. Le Kremlin a confirmé en 2019 qu'il aiderait la Chine à se doter d’un système d’alerte avancée pour la défense antimissile, ce qui est une décision considérable tant en ce qui concerne les transferts de technologies que les équilibres stratégiques (la capacité de dissuasion chinoise s'en trouve renforcée). En complément de cette coopération technique, la Chine et la Russie ont prolongé en 2020 leur accord de notification mutuelle en cas de lancement de missile balistique ou de fusée porteuse, pour une durée de 10 ans6. Les coopérations émergentes dans les domaines aérien, aérospatial, naval (notamment dans les capacités hauturières et sous-marines) et terrestres mettront potentiellement sur la table le développement conjoint de nouvelles technologies.
Bien que les ventes d'armes à la Chine sont loin d'avoir retrouvé la place qu'elles avaient dans le total des exportations russes d'armement dans les années 2000 (elles en représentent moins de 15%, contre 50% pour le Moyen-Orient), les ventes d'armes russes vers la Chine ont dépassé depuis 2017 les ventes vers l'Inde, une première depuis longtemps alors même que la demande indienne est forte et croissante. Sur ce point, il ne faut certainement pas minorer le dynamisme des relations russo-indiennes dans le domaine de la défense (lesquelles sont si solidement ancrées que la plupart des grands patrons de l'industrie de défense russe parlent hindi) ; l'Inde a d'ailleurs acquis des systèmes S-400 russes fin 2021, renforçant considérablement ses capacités de défense anti-aérienne... y compris contre la Chine. S'il y a, à plus long terme, un risque de voir la Russie pencher davantage en faveur de la Chine en cas de crise sino-indienne, une telle inclinaison ne se constate pas encore. Les relations russo-indiennes dans le domaine de l'industrie de défense sont au beau fixe et ne devraient pas souffrir de l'approfondissement du partenariat russo-chinois avant un certain temps. Cela dit, les coopérations Moscou-Beijing sont déjà beaucoup plus poussées que les coopérations entre Moscou et New Dehli, comme l'illustrent les exercices conjoints entre forces russes et chinoises qui incluent désormais une dose d'interopérabilité. En ce qui concerne la seule industrie de défense, la Chine devrait rester un partenaire plus important pour la Russie que l'Inde dans les prochaines années ; la Chine et la Russie mènent ou étudient des projets communs qui donnent à leurs relations en matière de défense une toute autre dimension. Si l'Inde et la Russie ont déjà mené de tels projets de co-développement (ainsi du missile BrahMos, développé conjointement par l’Organisation de Recherche et Développement pour la Défense indienne et la société russe NPO Machinostroïenia, avec une version hypersonique en développement, le BrahMos-II), les projets russo-chinois sont plus poussés, du système d'alerte avancée pour la dissuasion nucléaire chinoise aux futurs hélicoptères lourds en passant par la production d'avions de chasse.
Enfin, rappelons que les progrès de la Chine dans l'industrie d'armement ont beau être spectaculaires, au point de surprendre de plus en plus souvent les Européens et Américains qui ont tendance à sous-estimer les avancées chinoises, ils s'accompagnent aussi de lenteurs et de déceptions. Pour prendre un exemple bien connu, les sous-marins chinois restent ainsi bien moins furtifs que leurs équivalents russes, américains ou français. Dans ce domaine, la Chine pourrait bien être amenée à se tourner à nouveau du côté russe. Il en va de même pour le retard chinois au niveau des semi-conducteurs de dernière génération (une prise de contrôle de Taïwan pourrait cependant transformer ce retard chinois en leadership mondial), et pour les moteurs d'avions de chasse. Citant notamment le retard des chasseurs J-20 et J-31 chinois sur les F-22 et F-35 américains, Pierre-Antoine Donnet avance que « l’industrie chinoise de l’armement a rencontré ces dernières années des difficultés dans la production de nouvelles armes7 ». Pour prendre l'un des derniers exemples en date au moment d'écrire ces lignes, la Chine n'est pas en capacité de développer seule un hélicoptère lourd digne de ce nom et à un horizon raisonnable : elle va ainsi co-développer avec la Russie un tel hélicoptère8, et prévoit déjà d'acquérir des hélicoptères d'attaque lourds Ka-52K dans le cadre d'un accord qui « pourrait encourager d'autres coopérations entre les industries de défense des deux pays9 ».
Précisons d'ailleurs que ce type de coopérations s'étend de plus en plus au secteur civil, montrant là encore à quel point le partenariat entre la Chine et la Russie est profond, multiforme et probablement durable. Pour prendre un exemple également lié au domaine aérien : la Chine et la Russie développent depuis plusieurs années un projet d'avion de ligne biréacteurs long courrier (le CRAIC CR929), avec entre autres objectifs de venir concurrencer le duopole d'Airbus et Boeing sur ce type d'avion. Alors que des divergences subsistaient encore en 2020 – contribuant à entretenir l'idée que les partenariats entre Chinois et Russes seraient placés sous le signe de la méfiance et offriraient peu de perspectives, celles-ci ont été visiblement surmontées à l'été 202110avec un lancement de la production à la fin de l'année. La société créée pour l'occasion, la China-Russia Commercial Aircraft International Co. Ltd (une joint venture), a son siège à Shanghaï, le marché pour le futur avion étant principalement chinois ; les technologies, elles, sont principalement russes. Des retombées économiques sont attendues dans les deux pays, alors que cet avion dont la mise en service est prévue pour la seconde moitié de la décennie 2020 aura une longue carrière qui pourrait se traduire par des succès internationaux s'il s'avère compétitif. Loin d'une quelconque réticence à approfondir encore ses relations économiques avec la Chine, la Russie est au contraire demandeuse de nouvelles coopérations – le ministère russe de l’Économie ayant par exemple proposé au cœur de la crise économique de 2020 six nouveaux projets à mettre en œuvre conjointement pour une valeur totale de 20 milliards d'euros11.
La Chine pourrait donc devoir compter encore pour un certain temps sur l'expertise et le savoir-faire de la Russie. Le temps où les ventes d'armes représentaient plus de la moitié des exportations russes vers la Chine et 90% des importations chinoises depuis la Russie, comme c'était le cas dans les années 2000, est définitivement révolu. Une nouvelle ère s'ouvre, où la Chine devra encore compter sur la Russie pour accomplir sa modernisation militaire et sa montée en puissance face aux États-Unis. Les coopérations sino-russes dans le domaine de l'armement resteront pour longtemps dans l'intérêt des deux parties. L'industrie de défense russe est puissante, et bénéficie comme nous l'expliquons ailleurs de dépenses militaires réelles bien supérieures à ce que laissent penser les comparaisons internationales traditionnelles. Mais dans une logique comparable à celle qui prévaut en France pour le financement d'un modèle d'armée complet basé sur une base industrielle et technologique de défense souveraine, l'industrie de défense russe a besoin d'exporter, ne serait-ce que pour amortir les coûts unitaires des différents armements et rendre plus soutenable l'effort de défense du pays. Alors que le développement et la fabrication en masse d'armements se jouent sur des cycles de plus en plus longs et exigent un ensemble de technologies, de savoirs-faire et de compétences de plus en plus complexe, la Chine manque de temps pour bâtir son « armée de classe mondiale » capable de rivaliser avec la superpuissance militaire américaine, d'autant plus que ses capacités industrielles se heurtent à des limites difficilement surmontables : elle n'est pas capable de produire en masse et simultanément tous les équipements dont elle aura besoin. La tâche est immense, et passe selon toute vraisemblance par une coopération accrue avec la Russie. Pour simplifier à grands traits : la Russie manque d'argent pour réaliser ses ambitions, et la Chine manque de temps pour réaliser les siennes. Elles sont donc vouées à s'entendre sur les sujets ayant trait à l'industrie de défense. Le partenariat sino-russe dans ce domaine a encore de beaux jours devant lui.
Entre craintes russes d'une vassalisation économique par la Chine et intérêts partagés : les subtilités d'une relation déséquilibrée
Le rapprochement économique russo-chinois obéit à des intérêts communs, la Russie cherchant à la fois à contourner le poids des sanctions occidentales (y compris au niveau des transferts de technologies et des investissements étrangers), à trouver de nouveaux marchés (notamment pour ses matières premières et hydrocarbures), à développer la Sibérie orientale, et à profiter du dynamisme chinois. La Chine a tout intérêt à se tourner vers la Russie pour ses hydrocarbures et matières premières (du fait de sa dépendance aux pays d'Asie du Sud-Est, d'Afrique et du Moyen-Orient, qui l'oblige à sécuriser aussi bien ses canaux d'importation que ses intérêts économiques sur place) et voit dans la Russie un partenaire clé à l'heure où d'autres puissances économiques se montrent moins coopératives, voire se protègent contre les investissements et projets de partenariats chinois pour des raisons souvent légitimes. Il convient d'insister sur ce dernier point : pour la Chine, la Russie n'est pas simplement un exportateur d'armes et de matières premières.
Les statistiques permettent de mesurer l'importance de cette relation économique bilatérale, ne serait-ce qu'au plan commercial. Ensemble, les pays de l'Union européenne continuent de former le premier débouché commercial de la Russie, totalisant en 2020 encore 40,6% des exportations russes, mais leur poids dans la balance commerciale russe continue de décliner (ils représentaient encore 52,1% des exportations russes en 2014, avant les sanctions économiques)12. L'ensemble formé par les Etats membres de l'UE reste également le premier fournisseur de la Russie, 35,5% des importations russes étant originaires de l'Union en 2020 (42,6% en 2013). La Chine, elle, voit son poids dans la balance commerciale russe s'accroître continuellement. Elle a détrôné en 2014 l'Allemagne comme premier partenaire commercial de la Russie, et était conduite à le devenir indépendamment des sanctions occidentales qui ont frappé Moscou à partir de cette année. A la fois premier partenaire à l'export pour la Russie (elle totalisait en 2020 14,6% des exportations russes à elle seule), la Chine est aussi son premier fournisseur (23,7% de l'ensemble des importations russes en 2020 étaient en provenance de Chine)13.
Alors que les échanges entre la Chine et la Russie ont dépassé le seuil historique des 100 milliards de dollars en 2018 (plus de 110 milliards pour le commerce bilatéral en 201914), on observe que les exportations russes croissent plus rapidement que celles de la Chine dans cette relation. Grâce à ses exportations énergétiques, la Russie est redevenue l'un des rares pays au monde à avoir une balance commerciale excédentaire avec la Chine. Ces exportations représentent 11% du total des importations chinoises tous types de biens et services inclus, et continuent de grimper (la Russie a dépassé l'Arabie Saoudite en termes d'exportations d'hydrocarbures vers la Chine dès 2018, après être devenue le premier fournisseur en pétrole de la Chine cinq ans plus tôt). La construction du gazoduc russo-chinois « Force de Sibérie », mis en service en 2019, illustre la profondeur de cette relation entre le premier exportateur mondial d'hydrocarbures et leur plus grand consommateur sur la planète : nous abordons plus loin l'importance et les perspectives de cette relation hautement stratégique.
Les exportations russes vers la Chine sont cependant excessivement axées sur les seules matières premières et ressources énergétiques, bien que les échanges sino-russes progressent dans d'autres secteurs économiques, y compris les biens manufacturés. La Chine et la Russie profitent à des degrés divers mais significatifs de ce rapprochement économique et ont toutes les deux évoqué, entre autres, leur intention de faire converger les projets d'Union économique eurasiatique guidée par Moscou et de Nouvelles routes de la soie impulsées par Beijing, mais la Chine est de plus en plus dominante dans cette relation économique. Alors que Moscou affiche une certaine prudence face au risque de sujétion économique, Beijing défend un accord de libre-échange avec la Russie qui permettrait de tirer vers le haut les exportations, l'agriculture et l'industrie russes, mais inonderait le pays de biens chinois. Là où la Chine est le premier partenaire commercial de la Russie, cette dernière n'est que le dixième partenaire de Beijing. En ce qui concerne les investissements directs à l'étranger (IDE), la Chine investit moins en Russie que... la France, totalisant en 2017 0,49% du stock d'IDE entrants en Russie contre 3,06% pour notre pays (des données à nuancer par le fait que des paradis fiscaux comme le Luxembourg, Jersey ou les Bermudes comptent parmi les principaux pourvoyeurs et receveurs d'IDE dans une économie russe dont on connaît les travers).
La relation économique entre les deux géants eurasiatiques est, on l'a dit, complètement déséquilibrée, à l'image de leur rapport de force démographique. Et le différentiel de croissance économique entre une Chine qui maintient un rythme soutenu malgré son ralentissement, et une Russie en difficulté sur de nombreux points, va encore s'amplifier. Il ne faut pas non plus oublier que si la Chine est comme dit plus haut le premier partenaire commercial de la Russie, l'Europe reste la première région d'échanges avec la Russie ; les premiers investisseurs en Russie sont toujours des entreprises européennes ; la Chine, elle, compte encore sur son statut d'atelier du monde et donc sur la demande d'entreprises occidentales (notons que l'on parle souvent de la dépendance de l'Europe envers l'industrie chinoise, mais moins de la dépendance de la Chine envers les marchés européens), ce qui lui interdit de s'abîmer trop tôt dans une confrontation politique avec l'Occident qui s'avérerait très coûteuse au plan économique.
Vu de Russie, la dépendance croissante du pays envers la Chine est de plus en plus préoccupante ; la quasi-totalité des observateurs des relations russo-chinoises s'accordent à considérer que l'un des principaux obstacles à un rapprochement plus étroit de la Russie et de la Chine réside dans la crainte de la première d'être vassalisée par la seconde, à laquelle s'ajoute du côté chinois le risque de devenir trop dépendant des ressources russes. Il ne s'agit plus simplement de la quête d'équilibre à long terme entre les orientations européenne et asiatique de la Russie, mais de la perspective d'une sujétion par une superpuissance aux prétentions hégémoniques assumées, dont le découplage avec Moscou en termes de rapport de force s'accentue. Les préoccupations qui gagnent du terrain dans la population et chez les dirigeants russes sont surtout liées au risque de voir la souveraineté du pays être progressivement fragilisée par l'activisme chinois, que ce soit par les investissements en infrastructures, l'entrisme dans des entreprises stratégiques ou essentielles, la dépendance à des biens et services de première importance... N'avons-nous pas les mêmes craintes en France et en Europe ? Dans la situation russe s'ajoutent la proximité directe avec la Chine, l'isolement voulu ou subi vis-à-vis de l'Occident et le poids des sanctions qui font qu'il n'y a parfois pas d'alternative aux offres chinoises, notamment dans l'accès à certaines technologies et aux financements, le fait que la dépendance envers la Chine pour certains types de productions se double progressivement d'une dépendance aux exportations d'hydrocarbures vers elle, etc. La perspective de voir la Russie passer sous la coupe de la Chine refroidit celle d'une alliance russo-chinoise, au même titre que les éventuelles aspirations de la Russie comme de la Chine à une amélioration de leurs relations avec les États-Unis ou l'Union européenne.
Au passage, la conjonction de la désintégration de l'URSS et de l'ascension phénoménale de la Chine ont réveillé sous une certaine forme la crainte du « péril jaune », qui se matérialise notamment dans les perspectives d'avenir pour l'Extrême-Orient russe. Les immensités sibériennes sous-peuplées surplombent quelques régions de Chine septentrionale qui concentrent à elles seules une population supérieure à celle de la Russie entière, ravivant des préoccupations anciennes. Les Russes s'inquiètent de voir la Sibérie devenir une terre de colonisation chinoise. De l'autre côté de la frontière, il est vrai que cette région où la Russie a arraché des terres à l'Empire chinois suscite parfois des convoitises. En témoigne cette discussion que Jacques Chirac aurait rapporté à Vladimir Fédorovski : alors que l'ancien Président disparu en 2019 s'inquiétait auprès de Deng Xiaoping de la vertigineuse croissance démographique de la Chine (« mais Président, vous allez exploser ! »), le dirigeant chinois lui aurait répondu15« pas du tout, nous avons les provinces du Nord »). Que l'anecdote soit avérée ou non, la Chine a en effet toujours eu du mal à digérer l'annexion par la Russie de ses provinces au nord du fleuve Amour, qui s'est effectuée dans le cadre de l'expansion russe aux XVIIe-XVIIIe, puis de l'un des « traités inégaux » qui l'ont durement humiliée au XIXesiècle (traité d'Aïgoun en 1858). Entre pays capables au XXIesiècle de coloniser des îles en mer de Chine ou d'annexer des territoires ukrainiens (Beijing se préparant à concilier les deux types d'action en entendant réintégrer Taïwan de gré ou de force), l'appétit territorial est après tout un sujet de compréhension... Dans tous les cas, les supposées visées territoriales de la Chine en Sibérie que certains observateurs considèrent encore comme un élément de méfiance entre Beijing et Moscou ne sont pas crédibles pour deux raisons : l'article 6 du traité russo-chinois de 2001 exclut toutes revendications territoriales entre les deux pays ; si les affrontements frontaliers entre la Chine et l'URSS sont restés sous le seuil nucléaire puisqu'ils étaient limités dans leur intensité et dans leurs buts, la dissuasion nucléaire russe rend absurde les scenariidans lesquels la Chine chercherait à s'emparer d'un territoire sibérien.
La Russie ne vit donc plus dans la hantise d'une invasion future de la Sibérie (bien que cette crainte ait été présente à divers degrés à l'époque soviétique, elle n'est aujourd’hui évoquée sérieusement que par quelques personnalités isolées), mais de nombreux Russes s'alarment de la pression démographique chinoise : il s'agit d'un phénomène plus ou moins comparable à la peur en France d'un « grand remplacement », alors même que l'immigration chinoise légale ou illégale vers la Sibérie est en réalité plutôt faible. Cette perception de la pression chinoise s'inscrit de manière inconsciente dans le complexe obsidional et le sentiment d'encerclement de la Russie. Toujours du côté de ce complexe obsidional, la Russie s'inquiète de voir la Chine être de plus en plus présente dans les république post-soviétiques d'Asie centrale et du Caucase, bien que comme nous le développons ailleurs, la Russie et la Chine savent coopérer dans cette région car il est dans leur intérêt partagé de le faire. Toujours présente dans l'inconscient collectif, cette crainte de l'encerclement pèse cependant moins que l'inquiétude face à l'écart croissant de puissance entre la Russie et la Chine et au risque voir celle-ci fragiliser la souveraineté de la Russie par une vassalisation rampante. Pour les Russes, le véritable enjeu est là.
Au global, vu du côté russe, la possibilité d'une sujétion par la Chine est d'autant plus inquiétante que la Russie a été habituée jusqu'ici à être tour à tour une puissance coloniale imposant ses vues à la Chine ou un « grand frère » au sein du monde communiste. Mais en dépit de cela, la perception de ce déséquilibre assorti d'une crainte de vassalisation n'est à notre avis pas de nature à empêcher un approfondissement durable des relations russo-chinoises. L'idée d'un partenariat d'avenir avec la Chine est très attractive malgré toutes les craintes que suscite ce pays en Russie. Concernant l'idée que le déséquilibre économique et commercial entre les deux pays compromettrait leur rapprochement, on peut établir quelques objections. On a pu lire ou entendre à de nombreuses reprises qu'une Chine avide de ressources naturelles pourrait dans le futur menacer une Russie riche de telles ressources, ou que l'écart croissant entre les économies chinoise et russe pourrait devenir insupportable aux yeux de Moscou. Cette thèse maintes fois répétée peut se défendre. Mais a contrario, cette situation ne plaide-t-elle pas en faveur d'un rapprochement sino-russe encore plus étroit ?
Comme nous l'évoquons plus loin, il est dans l'intérêt de la Chine de continuer à s'approvisionner toujours plus chez son immense voisin, dont les ressources sont à la fois plutôt bon marché, exploitables ou transformables par une main-d’œuvre qualifiée, géographiquement proches et situées dans des environnements sécurisés (à la différence des ressources de l'Afrique, du Proche-Orient, de l'Amérique du Sud ou d'Asie de l'Est et du Sud-Est) ; il est de même dans l'intérêt de la Russie de garder une bonne relation avec ce gigantesque marché en croissance continue qu'est la Chine. Et concernant l'émigration chinoise en Sibérie, ce phénomène pourrait bien rester circonscrit puisque les salaires sont désormais souvent plus élevés en Chine de même que les opportunités d'emploi, ce qui sera de plus en plus le cas puisque le nord de la Chine reste en situation de forte croissance au contraire de l'Orient russe. Si les Russes craignent légitimement de devenir trop dépendants des technologies chinoises au point que beaucoup y voient une limite à l'approfondissement du partenariat avec Beijing, ce point est également à nuancer. Ainsi de l'emblématique question de la 5G, où l'entrisme des technologies chinoises inquiète fortement en Europe : la Russie renforce sa coopération avec la Chine dans ce domaine et donne la part belle à l'entreprise chinoise Huawei, qui a ouvert plusieurs centres de recherche et développement et devrait porter d'ici 2024 à 2 000 le nombre d'ingénieurs russes qu'elle emploie16. Du côté des usagers, les téléphones compatibles capteront la 5G Huawei. Le géant chinois ayant été pénalisé tant par les sanctions américaines que par les réticences de plusieurs pays européens, appuyés par la Commission européenne, à ouvrir leur marché de la 5G aux équipements d'Huawei pour des raisons de sécurité et de souveraineté, le marché russe est pour lui une aubaine. La Russie, elle, fait de sa coopération avec Huawei un marqueur différenciant vis-à-vis des Occidentaux envers qui elle réduit sa dépendance sur certaines technologies numériques. Un exemple parmi d'autres de la supériorité d'intérêts partagés sur la crainte que peut avoir la Russie d'être assujettie à la puissance chinoise.
Énergie : entre la Chine et la Russie, une interdépendance appelée à se renforcer
Les exportations d'hydrocarbures par la Russie occupent on l'a dit une place centrale dans les échanges avec la Chine, et plus largement dans le partenariat stratégique entre les deux pays. Comment cet aspect crucial des relations russo-chinoises va-t-il évoluer ? Entre la nécessité de sortir de l'ère du pétrole, du gaz et du charbon face à l'urgence climatique, les transformations d'une économie chinoise qui voit sa croissance ralentir et le besoin pour la Russie de diversifier son économie, tout montre que les échanges russo-chinois basés sur les hydrocarbures ne pourront se développer éternellement. Lorsque la Chine réduira ses importations depuis la Russie (dans le cadre, souhaitons-le pour la planète, d'une sortie complète des hydrocarbures), c'est tout un pan du partenariat russo-chinois qui s'affaissera. Mais un tel horizon ne se concrétisera que dans un futur lointain. Pour les deux décennies à venir, les échanges russo-chinois vont s'intensifier.
Au-delà des crises énergétiques ponctuelles qui pourraient être plus nombreuses dans un futur proche, se pose évidemment la question de la transition énergétique. Même si la Chine déçoit par ses ambitions trop basses en matière d'énergie propre, ses échéances trop lointaines et son rythme d'exécution trop lent, elle a bel et bien entamé une transition énergétique qui devrait s'accélérer dans les prochaines décennies. Les études menées par Sinopec prévoient ainsi que la consommation chinoise de pétrole devrait atteindre un pic dès 202617, avant de refluer après cette date – la multiplication attendue des voitures électriques étant l'une des causes de ce déclin programmé de la consommation de pétrole. Il s'agit là d'une bonne nouvelle pour le climat, moins pour la Russie qui est devenue le premier fournisseur de pétrole de la Chine en 2013 – preuve supplémentaire que l'intensification des relations économiques russo-chinoises est antérieure aux sanctions occidentales de 2014. Si les deux pays ont décidé ou mis en œuvre de nouveaux projets liés au charbon ou au gaz, aucun grand projet pétrolier nouveau n'a vu le jour depuis le milieu des années 2010. Même si les importations chinoises de pétrole russe devraient encore croître pour quelques années, les perspectives pour ce marché sont donc peu prometteuses. Même si le pétrole est condamné à être moins utilisé dans des domaines où il est aujourd'hui indispensable, il continuera de subvenir à d'autres besoins. Le président du géant chinois Sinopec (China Petroleum and Chemical Corporation), Ma Yongsheng, anticipait ainsi lors de sa prise de fonction en 2021 que « le pétrole finira par devenir une matière première pour les produits chimiques plutôt que pour le carburant18 », ce qui implique que l'industrie chinoise continuera d'importer du pétrole russe en grandes quantités pour des décennies.
En revanche, la transition énergétique chinoise passera par une augmentation de la consommation d'autres énergies fossiles. La Chine va augmenter la part du gaz naturel dans sa production d'électricité, tout en continuant d'accroître sa consommation de charbon pour satisfaire ses énormes besoins énergétiques. De tels choix de transition énergétique ne sont pas isolés : près de chez nous, l'Allemagne augmente sa consommation de gaz naturel (énergie qui émet beaucoup de gaz à effet de serre mais moins que le charbon) pour accompagner à la fois la lente réduction de l'utilisation du charbon, que les énergies renouvelables ne parviennent pas à compenser assez vite, et la sortie du nucléaire, une décision irrationnelle puisque l'atome est un atout précieux pour faire face à l'urgence climatique. Rappelant que Beijing doit d'un côté « garantir la sécurité énergétique du pays, et donc acheter plus de charbon » et de l'autre « réduire sa dépendance vis-à-vis du charbon et passer à des centrales électriques au gaz », Vita Spivak « ces deux impératifs créent de nouvelles opportunités pour les exportateurs russes de matières premières énergétiques19 ».
S'agissant du gaz, Ma Yongsheng estime ainsi que la consommation de gaz naturel de la Chine devrait culminer vers 2040, date à laquelle la demande du pays avoisinera les 620 milliards de mètres cubes, le gaz naturel étant en voie de devenir la principale ressource en combustibles fossiles du pays vers 2050. La demande chinoise en gaz aura plus que doublé entre 2017 et 2035. Or, le gaz russe est moins cher que ses concurrents – y compris le gaz naturel liquéfié. Pour subvenir à l'augmentation des besoins chinois, des importations supplémentaires de gaz en provenance de Russie s'avéreront plus compétitives que des importations de gaz naturel liquéfié en provenance d'autres pays par cargo. La Russie n'est d'ailleurs que le sixième exportateur de gaz naturel liquéfié vers la Chine, loin derrière l'Australie (qui fournit l'essentiel des importations chinoises), la Malaisie, le Qatar, l'Indonésie, et la Papouasie-Nouvelle Guinée20 : entre les investissements en Sibérie, la double proximité géographique et politique et la sécurité des approvisionnements, le gaz naturel liquéfié russe devrait gagner des parts de marché en Chine face à la concurrence internationale, diversifiant les échanges russo-chinois dans le domaine de l'énergie. Entre 50 et 70 milliards de mètres cubes supplémentaires de gaz naturel russe pourraient arriver en Chine dans les 15 à 30 prochaines années, fournissant au passage jusqu'à 3 milliards de dollars d'excédent partageable par an aux producteurs russes et aux clients chinois, comme le montrait une étude du cabinet McKinsey21. Jean-Sylvestre Mongrenier et Françoise Thom rapportent que « à long terme, certaines analyses affirment que la Russie aurait la capacité d’exporter vers la Chine 130 milliards de mètres cubes par an, soit un volume comparable aux exportations russes vers l’Europe22 » (les auteurs ne croyant cependant pas à l'idée que la Chine puisse se substituer à l'Europe dans les exportations russes). Le gazoduc géant « Force de Sibérie », inauguré en décembre 2019, devrait permettre d'acheminer à partir de 2025 plus de 38 milliards de mètres cubes de gaz par an vers la Chine, lorsqu'il aura atteint sa pleine capacité. Du côté russe, les retombées économiques liées à ce qui a été présenté comme le plus gros chantier depuis la fin de l'URSS sont inespérées pour les régions pauvres et sous-peuplées de l'Est sibérien : la nouvelle centrale au gaz de Svobodny, près de la frontière chinoise, devrait ainsi créer des milliers d'emplois dans une zone qui peinait jusqu'ici à attirer investissements et activités23.
Concernant le charbon, le commerce bilatéral Chine-Russie sera là encore amené à s'accroître. En septembre 2021, alors que débutait une crise énergétique mondiale qui s'est traduite en Europe par des tensions financières pour les ménages comme les entreprises, la Chine a importé de Russie environ 3,7 millions de tonnes de charbon thermique, qui constitue le principal combustible pour la production d'électricité dans le pays. L'intérêt d'une telle donnée ? Ces importations depuis la Russie étaient en croissance de 28% sur un mois, et de plus de 230 % sur un an24. En revanche, malgré une croissance généralisée de la demande chinoise, les importations de charbon thermique en provenance d'Australie sont restées nulles. Malgré, l'ampleur de la crise, la Chine n'a pas levé l'embargo officieux qu'elle a mis en place sur les importations de charbon australien fin 2020, pour punir Canberra d'avoir exigé une enquête internationale sur la responsabilité de la Chine dans le développement de la pandémie de Covid-1925. Il s'agit d'ailleurs d'une illustration supplémentaire du fait que tout comme la Russie, la Chine est de plus en plus encline à privilégier une forme brute et coercitive de la puissance plutôt que ses intérêts économiques, contredisant les fausses certitudes de nombreux observateurs pour qui l'interdépendance et le pragmatisme économique décrédibilisent la perspective d'une future aggravation des tensions entre la Chine, la Russie et les grandes puissances occidentales, voire le risque d'un conflit ouvert.
Quoiqu'il en soit, tout porte à croire que la Chine va se tourner vers ses voisins du nord pour répondre à sa demande croissante de charbon, c'est-à-dire vers la Russie et la Mongolie. Comme le faisait remarquer Bolor Lkhaajav, les importations de charbon russe ont augmenté de près de 50% entre le premier semestre 2020 et le premier semestre 2021, passant de 16,2 millions à 24 millions de tonnes26, et ce en dépit de la crise sanitaire. Pour la même auteure, les importations depuis la Russie et la Mongolie sont promises à s'intensifier. La Russie s'y prépare : elle investit plus de 10 milliards de dollars dans un chemin de fer qui l'aidera à augmenter ses exportations de charbon vers l'Asie, en mobilisant même des prisonniers pour accélérer la construction27. A rebours de nombreuses prévisions, de nouveaux projets russo-chinois liés au charbon ont été dévoilés fin 2021. Le vice-Premier ministre russe, Alexandre Novak, a ainsi annoncé au sortir d'une réunion de la commission intergouvernementale russo-chinoise sur la coopération énergétique que son pays discutait avec la Chine d'une exploitation conjointe de gisements de charbon, évoquant notamment le gisement de Zashulanskoe (en Sibérie orientale)28.
Au-delà des chantiers en cours ou déjà terminés, la Sibérie orientale devrait être concernée dans les prochaines années par la mise en valeur de nouveaux gisements de charbon et de champs gaziers ou pétroliers aujourd'hui peu ou pas exploités, bien que les réserves estimées soient inférieures aux réserves prouvées d'hydrocarbures dans l'ouest du pays (la grande majorité du pétrole et du gaz exploités en Russie se trouvant dans les régions centrales ou occidentales, à proximité de la mer Caspienne, dans l'Oural, dans la mer de Barents et dans l'immense plaine de Sibérie occidentale). Même si de nouveaux projets du type « Force de Sibérie » pour le gaz ou ESPO (Oléoduc Sibérie orientale-océan Pacifique) ou le pétrole ne sont pas à l'ordre du jour, l'Extrême-Orient russe offre de nombreuses opportunités, avec des investissements qui pourraient devenir plus rentables dans les régions hostiles du fait des nouvelles technologies. Un nouveau gazoduc, « Force de Sibérie 2 », est déjà à l'étude avec de bonnes perspectives de réalisation. Après avoir obtenu suffisamment de visibilité sur les chances du projet d'aboutir, Gazprom a lancé des études de faisabilité sur ce gazoduc début 202029, et rendu un verdict positif un an plus tard30. La Mongolie a déjà validé le passage sur son territoire31d'une extension du futur gazoduc, baptisée « Soyuz Vostok » (qui pourrait se traduire par « union de l'Est » ou « unir l'Est »).
Là où « Force de Sibérie » pompe du gaz en Sibérie orientale, « Force de Sibérie 2 » ira le chercher en Sibérie occidentale, là où est extrait une grande partie du gaz exporté en Europe (notamment dans la péninsule de Yamal). « Force de Sibérie 2 » devrait permettre d'acheminer 50 milliards32de mètres cubes de gaz par an vers la Chine d'ici 2030, soit une capacité supérieure d'un tiers à celle de « Force de Sibérie » et proche de celle de « Nord Stream » et « Nord Stream 2 » (55 milliards de mètres cubes chacun). Les exportations de gaz russe vers la Chine s'approcheraient ainsi de 90 milliards de mètres cubes au cours de la décennie 2030, soit près de la moitié des exportations actuelles vers l'Europe. Apportant une source supplémentaire de revenus à la Russie, la construction de nouveaux gazoducs vers la Chine permettraient donc d'un véritable rééquilibrage des exportations gazières de la Russie, et offriraient à Moscou davantage d'options pour faire pression sur les Européens au besoin. En effet, l'arme énergétique est à double tranchant : en coupant ses exportations de gaz vers l'Europe dans le cadre d'une crise majeure, la Russie serait capable d'infliger de considérables dégâts économiques aux pays importateurs (à commencer par l'Allemagne) mais en subirait à son tour en se privant de l'une de ses principales sources de revenu. En étant moins dépendante du marché européen grâce à l'accroissement de ses exportations vers la Chine, la Russie aurait donc des marges de manœuvre supplémentaires qui rendraient sa « dissuasion » énergétique plus crédible.
Mais cette moindre dépendance envers l'Europe, synonyme de plus grande dépendance envers la Chine, pourrait devenir contraignante pour Moscou. Ainsi le géopolitologue Alexander Gabuev évoque-t-il le scénario suivant : « si un jour, par exemple, Beijing souhaite que la Russie cesse d'armer l'Inde et le Vietnam, comment Moscou pourra-t-elle refuser si le marché chinois est la principale source de revenues remplissant les caisses du Kremlin ?33 ». Le risque d'une trop grande dépendance envers la Chine dans le domaine des hydrocarbures n'est pas à balayer d'un revers de la main : avec d'autres éléments du partenariat russo-chinois, il pourrait conduire la Russie à s'aligner sur la Chine plus qu'elle ne le souhaiterait, jusqu'à la suivre dans des confrontations où Moscou ne souhaiterait pas être embarqué. Cependant, nous sommes encore bien loin d'une telle situation où la Chine supplanterait l'Europe comme principal débouché des exportations de gaz russe, y compris dans la perspective (optimiste) d'une Europe qui se passerait du gaz d'ici 2050 pour accomplir sa transition énergétique. D'autant que la Chine elle-même accroît sa dépendance envers la Russie dans le domaine des hydrocarbures, fût-ce dans de moindres proportions au regard de la diversité de ses fournisseurs internationaux.
Malgré tout, il y a bien des frictions dans les relations énergétiques entre les deux pays. Les futurs partenariats russo-chinois dans ce domaine feront face à de nombreux écueils. Du côté des infrastructures et nouvelles exploitations, la Chine n'investira que dans des projets rentables, et la Russie restera prudente sur des investissements qui laissent planer le risque d'une forme de colonisation de la Sibérie orientale. S'agissant des partenariats bilatéraux, l'entente affichée ne doit pas occulter la réalité des rapports de force : en 2014, lorsque les deux pays négociaient autour de la future construction de deux gazoducs en Extrême-Orient (après des années de désaccords portant notamment sur les prix34), les négociateurs chinois ont su profiter de l'isolement de la Russie et du début des sanctions occidentales contre Moscou pour obtenir un tarif du gaz avantageux, avec un prix du mètre cube de gaz inférieur de près de 10% à celui du gaz exporté vers l'Europe ; la Chine aurait même bénéficié de transferts de technologies et d'avantages douaniers, lesquels ne sont pas anodins au vu de l'importance pour le Trésor russe des taxes sur les exportations d'hydrocarbures. Suite aux sanctions occidentales, la Russie s'est aussi trouvée dépourvue de certaines technologies et de fonds nécessaires pour certains projets d'exploitation d'hydrocarbures dans le Grand Nord ; la Russie a accepté de laisser des entreprises chinoises soutenues par Beijing prendre la place de leurs concurrentes occidentales. Ainsi du plus grand projet au monde lié au gaz naturel liquéfié, Yamal LNG, où la participation chinoise via la China National Petroleum Corporation et le Silk Road Fund a été décisive pour l'exploitation du champ gazier de Yuzhno-Tambeyskoye et la construction d'une usine géante à Sabetta (péninsule de Yamal), au détriment du français Total qui a été relégué à une tierce place. La France n'est d'ailleurs pas le seul pays européen a avoir fait les frais de la concurrence chinoise dans ce dossier stratégique, la technologie parapétrolière allemande y ayant été évincée au profit de la technologie chinoise.
Ouvrons d'ailleurs une parenthèse permettant d'élargir la compréhension des relations économiques entre la Chine et la Russie : pour financer leurs projets d'exploitation d'hydrocarbures dans le Nord sibérien en dépit des sanctions, Total et l'entreprise russe Novatek ont dû recourir à des prêts chinois à hauteur de 12 milliards de dollars, ce qui a permis à Beijing de s'emparer d'une participation de 30% (contre 20% pour Total)35. Comme le souligne Jean de Gliniasty, l'un des derniers grands verrous à avoir sauté dans les relations économiques russo-chinoises est précisément le verrou bancaire36. A l'activité de la Bank of China, présente en Russie depuis 1993, s'ajoutent depuis les années 2010 celles de la China Construction Bank, Banque industrielle et commerciale chinoise et de la Banque agricole de Chine, tandis que les banques russes se tournent vers le système bancaire chinois pour limiter l'utilisation de compensations en dollars. Pour l'ancien ambassadeur de France en Russie, « la présence bancaire chinoise en Russie est encore faible, comparée par exemple à Rosbank (Société Générale) ou à la Raiffeisen autrichienne, qui sont devenues de véritables banques russes37 ». Les marges de progression sont cependant importantes, et il est à parier que la volonté commune de Beijing et Moscou de s'émanciper du dollar et de bâtir un système bancaire et financier plus autonome conduira à de nouveaux rapprochements dans ce domaine. Si la Russie restera vigilante dans un secteur aussi critique pour sa souveraineté – d'autant que les pratiques prédatrices des banques chinoises invitent à la méfiance, une plus grande interpénétration entre les secteurs bancaires des deux pays accroîtrait encore la profondeur de leur partenariat global.
Pour en revenir aux questions énergétiques, tout montre que malgré les frictions évoquées à l'instant, les partenariats russo-chinois dans le domaine énergétique sont au bénéfice des deux parties et faits pour durer. Rappelons pour conclure que l'Europe a beau avancer bien trop lentement dans une transition énergétique pourtant urgente, elle s'achemine bel et bien vers une réduction drastique de sa consommation d'énergies fossiles émettrices de CO2 dans les prochaines décennies. Comme expliqué plus haut, la transition énergétique chinoise sera hélas bien différente. Le recours accru au gaz en Allemagne – entériné par la coalition qui a succédé à Angela Merkel – et dans d'autres pays européens se traduit certes par une augmentation des exportations russes. Mais là encore, le gaz est vu comme une énergie de transition (ou de support pour pallier aux insuffisances des énergies renouvelables) dans le cadre d'une décarbonation du mix énergétique d'ici 2050, là où la Chine continuera de recourir massivement aux hydrocarbures au-delà de cette échéance. Il suffit d'ailleurs de comparer la manière dont se déroulent les projets gaziers à l'Ouest et à l'Est de l'Oural. A l'Ouest, ces dernières années ont été marquées par les incertitudes autour du gazoduc TurkStream (successeur du projet annulé South Stream), inauguré en 2020 après avoir été momentanément suspendu par la Russie durant la crise avec Ankara, et surtout par les polémiques persistantes autour du projet Nord Stream 2, qui divise les Européens entre eux sans parler des pressions américaines. A l'Est, les projets avec la Chine impliquent des négociations exigeantes, mais qui restent dans un cadre bilatéral bien plus aisé qu'en Europe, et la prise en compte d'intérêts qui diffèrent parfois sur des détails (technologies, infrastructures, tarifs) mais restent globalement convergents.
Au global, si la demande chinoise en hydrocarbures russes n'est pas prête de se substituer à la demande de l'ensemble des États européens, ni de remplacer les importations d'autres pays concurrents de la Russie, elle continuera d'augmenter dans les prochaines décennies et de susciter de nouvelles coopérations. Au-delà des hydrocarbures, la Chine et la Russie intensifient également leur coopération autour de l'énergie nucléaire, ce qui est de meilleur augure pour la planète mais pourrait compliquer davantage encore la tâche de l'industrie nucléaire française, et donc la promotion de nos intérêts dans le monde. En mai 2021, les deux pays annonçaient ainsi un nouveau projet pour la construction de réacteurs en Chine38, entre autres initiatives officialisées la même année. Les échanges russo-chinois dans le domaine de l'énergie sont donc voués à s'accroître dans les prochaines décennies, renforçant d'autant le partenariat stratégique global entre Moscou et Beijing.
Nous l'avons dit, la relation économique entre la Russie et la Chine souffre d'un déséquilibre croissant. Sa dynamique n'est d'ailleurs pas perceptible dans tous les domaines : derrière l'approfondissement et l'accroissement constants des liens commerciaux entre les deux pays, on constate que leur relation reste secondaire dans le secteur bancaire (même si la situation évolue) et les IDE, tandis que les échanges de biens (pas seulement les produits énergétiques) et services ont fortement augmentés. Nous l'avons également démontré, le déséquilibre entre la Russie et la Chine fait planer le risque d'une vassalisation du premier pays par le second. Des nouvelles technologies aux exportations d'hydrocarbures en passant par le financement de projets d'importance, Moscou craint de devenir trop dépendant d'une Chine dont le poids économique démesuré se double d'un caractère conquérant, à l'assaut des marchés internationaux, des infrastructures critiques, des ressources et des voies de communication à l'étranger. Au-devant des méfiances à long terme (peur de la vassalisation côté russe, possibles doutes sur la viabilité et les intérêts à long terme de cette relation côté chinois), on observe des frictions persistantes dans ces deux domaines clés que sont l'industrie de défense (la Russie se méfie de la contrefaçon et de l'espionnage chinois, ainsi que de l'émergence d'une concurrence chinoise sur les marchés internationaux, la Chine voit la Russie continue d'équiper un rival stratégique comme l'Inde et cherche à accroître son autonomie industrielle) et les hydrocarbures (les négociations sur les prix sont souvent longues et tendues, les Chinois ne calibrent leur demande et leurs investissements qu'en fonction de leurs intérêts).
Malgré tout, la relation économique russo-chinoise est comme nous l'avons démontré plus profonde, plus diverse, et même plus équilibrée (en termes d'interdépendance, à défaut d'être équilibrée en ce qui concerne la taille et le dynamisme des deux économies) qu'il n'y paraît. Elle semble surtout plus solide (au sens où elle ne se limite ni à de grands contrats entre les deux capitales, ni à un effet de circonstance lié aux sanctions occidentales) et plus durable (au sens où elle devrait poursuivre sa dynamique actuelle) qu'il n'y paraît. Les différents obstacles au renforcement d'une telle relation – déséquilibre, méfiance, frictions sur des dossiers stratégiques – ne sont pas à négliger, mais les intérêts communs entre les deux pays ne le sont pas non plus. Ces intérêts communs entre la Chine et la Russie (industrie de défense et projets industriels « civils », nouvelles technologies, énergie, financement de l'économie réelle...) sont probablement sous-estimés, au même titre que la volonté des deux capitales de mieux les exploiter. Contrairement à un discours répandu, le partenariat économique russo-chinois n'est ni précaire, ni basé sur des circonstances. Il n'a pas encore atteint un quelconque plafond, et n'est selon toute vraisemblance pas prêt d'entamer son déclin. Cette relation qui dépasse la plupart des prévisions faites à son sujet a désormais des bases solides et d'importantes marges de progression. Il s'agit là d'une donnée fondamentale, qui rend plus crédible encore la perspective d'un partenariat stratégique russo-chinois durable, un partenariat qui devrait encore se renforcer dans un futur proche.
1François Brévot, « Ces chasseurs russes et chinois qui défient l’Occident », Revue Conflits, 27 octobre 2020, https://www.revueconflits.com/chine-russie-avions-partenariat/
2Minnie Chan, « China’s next-gen J-20 stealth fighter jettisons Russian engine in favour of home-grown technology », 8 janvier 2021, The South China Morning Post, https://www.scmp.com/news/china/military/article/3116826/chinas-next-gen-j-20-stealth-fighter-jettisons-russian-engine
3« The PRC Acquires an Advanced Russian Fighter: Meeting the Challenge of Reinforcing Allied Capabilities », SLD Infos, 28 janvier 2017, https://sldinfo.com/2017/01/the-prc-acquires-an-advanced-russian-fighter-meeting-the-challenge-of-reinforcing-allied-capabilities/
4François Brévot, « Ces chasseurs russes et chinois qui défient l’Occident », op. cit.
5Emily Young Carr, China and Russia Cooperate on Rival to GPS, The Diplomat, 18 novembre 2021, https://thediplomat.com/2021/11/china-and-russia-cooperate-on-rival-to-gps/
6« Extension of China-Russia agreement on mutual notification for ballistic missile launches a guarantee for global strategic stability: FM spokesperson », Xinhua, 16 décembre 2020, http://www.xinhuanet.com/english/2020- 12/16/c_139594415.htm
7Pierre-Antoine Donnet, « Puissance militaire : entre la Chine et les États-Unis, qui a l'avantage ? », Asialyst, 20 juillet 2021, https://asialyst.com/fr/2021/07/20/puissance-militaire-entre-chine-etats-unis-qui-avantage/
8Inder Singh Bisht, « China, Russia to Co-Develop Heavy-Lift Helicopter », The Defense Post, 9 novembre 2021, https://www.thedefensepost.com/2021/11/09/china-russia-heavy-lift-helicopter/
9Minnie Chan, China military: PLA in market for Russian Ka-52K heavy attack helicopters, The South China Morning Post, 21 septembre 2021, https://www.scmp.com/news/china/military/article/3149462/china-military-pla-market-russian-ka-52k-heavy-attack
10Linnea Ahlgren, « China And Russia Want To Start Building The 1st CR929 This Year », Simple Flying, 25 juin 2021, https://simpleflying.com/china-russia-cr929-construction/
11« Russia prepares joint investment projects for China worth $20 blb, TASS, 30 juillet 2020, https://tass.com/economy/1184267
12Direction générale du Trésor, Le commerce extérieur de biens de la Russie en 2020, site du Trésor français, 6 avril 2021, https://www.tresor.economie.gouv.fr/Pays/RU/commerce-exterieur
13Ibid.
14« Value of Russian trade in goods (export, import and trade balance) with China from 2007 to 2019 », Statista, https://www.statista.com/statistics/1003171/russia-value-of-trade-in-goods-with-china/
15Vladimir Fédorovski, Poutine de A à Z, Paris, Éditions Points, 2018 [2017], p. 154.
16Matthew Walsh, « Sanctions-Hit Huawei to Open New R&D Centers in Russia: Reports », CX Tech (Caixin Global), 19 août 2019, https://www.caixinglobal.com/2019-08-19/sanctions-hit-huawei-to-open-new-rd-centers-in-russia-reports-101452468.html
17« Sinopec (SNP) Foresees China Oil Consumption to Peak Around 2026 », site du NASDAQ, 17 septembre 2021, https://www.nasdaq.com/articles/sinopec-snp-foresees-china-oil-consumption-to-peak-around-2026-2021-09-17
18« China's oil consumption seen peaking around 2026, Sinopec exec says », Reuters, 17 septembre 2021, https://www.reuters.com/world/china/chinas-oil-consumption-seen-peaking-around-2026-sinopec-exec-says-2021-09-17/
19Vita Spivak, « What Does China’s Energy Crisis Mean for Russia? », The Moscow Times, 15 octobre 2021, https://themoscowtimes.com/2021/10/15/what-does-chinas-energy-crisis-mean-for-russia-a75307
20« China's major LNG suppliers », Reuters Graphics, 2021, URL : https://fingfx.thomsonreuters.com/gfx/editorcharts/CHINA-LNG-IMPORTS/0H001PGDL6RF/index.html
21Ilya Razlomalin, Ilya Sushin, Otto Waterlander, « The road to China: An opportunity for Russian gas to play out », site du cabinet McKinsey, 15 novembre 2018, https://www.mckinsey.com/industries/oil-and-gas/our-insights/the-road-to-china-an-opportunity-for-russian-gas-to-play-out
22Jean-Sylvestre Mongrenier, Françoise Thom, Géopolitique de la Russie, Paris, Presses Universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », 2018, p. 87.
23Henry Foy, « Russia’s $55bn pipeline gamble on China’s demand for gas », Financial Times, 3 avril 2018, https://ig.ft.com/gazprom-pipeline-power-of-siberia/
24Evelyn Cheng, « China is ramping up coal imports from Russia — but not Australia », CNBC News, 27 octobre 2021, https://www.cnbc.com/2021/10/28/china-is-ramping-up-coal-imports-from-russia-but-not-australia.html
25Saheli Roy Choudhury, « China needs more coal to avert a power crisis — but it's not likely to turn to Australia for supply », CNBC News, 26 octobre 2021, https://www.cnbc.com/2021/10/26/china-energy-crisis-beijing-not-likely-to-lift-coal-ban-on-australia.html
26Bolor Lkhaajav, « Can Russia and Mongolia Replace Australia’s Coal Supply to China? », The Diplomat, 20 octobre 2021, https://thediplomat.com/2021/10/can-russia-and-mongolia-replace-australias-coal-supply-to-china/
27Yuliya Fedorinova, Aine Quinn, « Putin Is Betting Coal Still Has a Future », Bloomberg, 30 mai 2021, https://www.bloomberg.com/news/articles/2021-05-30/russia-to-modernize-railroads-for-coal-exports?sref=QmOxnLFz
28« Russia, China discussing joint tapping of coal deposits — Deputy PM », TASS, 17 novembre 2021, https://tass.com/economy/1362889.
29« Gazprom starts work on Power of Siberia-2 pipeline to China », Reuters, 18 mai 2020, https://www.reuters.com/article/russia-china-gazprom-idUSR4N2CB012
30« Russia’s Gazprom approves feasibility study on Power of Siberia 2 gas pipeline », EnerData, 14 avril 2021, https://www.enerdata.net/publications/daily-energy-news/russias-gazprom-approves-feasibility-study-power-siberia-2-gas-pipeline.html
31« Gazprom, Mongolia agree route for Power of Siberia 2 pipeline », discuss feasibility study progress, Interfax, 25 octobre 2021, https://interfax.com/newsroom/top-stories/72969/
32« Russia’s Gazprom approves feasibility study on Power of Siberia 2 gas pipeline », EnerData, op. cit.
33Alexander Gabuev, « Russia’s energy deals with China may backfire on the Kremlin »,The Financial Times, 18 novembre 2021, https://www.ft.com/content/2b699edc-aa18-4582-aaca-58e5e31b395d
34« Gaz : un accord à 400 milliards de dollars entre la Chine et la Russie », 21 mai 2014, https://www.lemonde.fr/planete/article/2014/05/21/gaz-mega-accord-entre-la-chine-et-la-russie_4422950_3244.html
35Jean de Gliniasty, « La Russie dans la rivalité Chine/États-Unis », Revue internationale et stratégique n°120, vol. 4, 2020, p. 109-117.
36Ibid.
37Ibid.
38« Russian, Chinese leaders to formally launch construction of new nuclear reactors in China », TASS, 19 mai 2021, https://tass.com/economy/1291207