Journée mondiale de la biodiversité : nos écosystèmes, priorité environnementale pour l'après-crise
La France est plutôt vertueuse concernant l'énergie propre et les émissions de CO2. Mais nos résultats sont bien plus discutables en matière de biodiversité : en cette Journée mondiale de la biodiversité, voici pourquoi celle-ci doit devenir une priorité pour l'après-crise.
La France est plutôt vertueuse concernant l'énergie propre et les émissions de CO2. Mais nos résultats sont bien plus discutables en matière de biodiversité : en cette Journée mondiale de la biodiversité, voici pourquoi celle-ci doit devenir une priorité pour l'après-crise.
Notre pays est un trésor naturel. A l'exceptionnelle diversité de l'Hexagone, qui concentre bien plus de variations climatiques, de milieux naturels ou de groupes d'espèces différents que n'importe quel autre pays européen à l'exception de la Russie, s'ajoutent nos Outre-Mer, qui abritent sur tous les océans du monde des écosystèmes allant des atolls polynésiens à Kerguelen, et de la forêt guyanaise à la Nouvelle-Calédonie. Chaque jour, en moyenne, 2 nouvelles espèces sont découvertes en France, dont 90% dans nos Outre-Mer. Notre pays compte plus de 19 400 espèces endémiques, dont 4/5 sont situées dans nos Outre-Mer. Notre domaine maritime, le deuxième du monde, héberge 10% des récifs coralliens et lagons, ainsi que la première concentration de biodiversité marine de la planète. Plus de 81% des écosystèmes européens sont présents en France hexagonale, Corse incluse : notre pays, carrefour du Vieux Continent, rassemble la plus grande diversité culturelle de toute l'Europe, mais aussi la plus biodiversité la plus variée.
Mais notre territoire métropolitain incarne aussi les menaces pesant sur la biodiversité européenne : 68% des habitats menacés au niveau européen sont présents dans l'Hexagone, de même que 18% des espèces menacées à l'échelle du continent. Bien que la France métropolitaine possède de nombreuses zones protégées, une vaste surface forestière et une densité de pollution inférieure à celle de nombre de nos voisins européens, la part des territoires faiblement anthropisés n'y est que de 53%, ce qui montre l'ampleur de l'impact de l'activité humaine sur notre propre sol. Preuve de la nocivité de nombre de nos impacts sur les écosystèmes, seuls 22% des habitats d'intérêt communautaire de France métropolitaine sont aujourd'hui dans un état de conservation favorable.
En 2018, en France, 26% des espèces étudiées étaient considérées comme menacées d'extinction ou le risque de disparition étant de 40% en Outre-Mer et de 22% en métropole. Plus précisément, 6% des espèces étudiées en France sont en danger, 4% en danger critique... et 3% sont déjà éteintes.
Le nombre d'espèces d'oiseaux vivant dans des milieux agricoles a baissé de 33% entre 1989 et 2017, et de 30% dans les milieux bâtis, mais de « seulement » 3% dans les massifs forestiers. Une cinquantaine de fleuves et rivières français connaissent une réduction importante du nombre de poissons. Le déclin de la biodiversité ne correspond pas, comme on l'entend souvent, à un déclin du monde animal : il reflète aussi une perte de diversité de celui-ci. Or, la baisse du nombre d'oiseaux et d'espèces d'oiseaux en France s'accompagne aussi d'une croissance du nombre d'espèces « généralistes », c'est-à-dire que nos campagnes, nos territoires s'uniformisent sur le plan de la faune.
Le rôle des activités humaines sur la disparition de la biodiversité française se mesure parfaitement. La disparition de 38% des chauve-souris entre 2006 et 2016, par exemple, s'explique directement par des atteintes conte leur mode de vie et leurs habitats, mais aussi indirectement par la raréfaction d'insectes ou de rongeurs à la base de leur alimentation.
En 2018 encore, une étude fruit de travaux de longue haleine estimait que le nombre d'insectes volants en Europe avait chuté d'environ 80% en Europe en 30 ans, bien plus que le déclin déjà dramatique de 58% des vertébrés sauvages sur notre continent depuis les années 1970 ! Il sera toujours possible de contester à la marge les études statistiques qui montrent l'une après l'autre un effondrement de la biodiversité jusqu'en France et en Europe, l'urgence d'agir est là.
Et contrairement à d'autres enjeux environnementaux où la France améliore ses performances, nos résultats en matière de biodiversité tendent souvent vers le rouge. Le risque d'extinction des amphibiens, des oiseaux nicheurs, des mammifères et des reptiles a ainsi augmenté de 15,2% entre 2008-2009 et 2015-2017.
L'immense richesse que constituent nos territoires ultramarins impose aussi à notre pays une responsabilité toute particulière. En comptant nos Outre-Mer, la France est présente dans 5 des 34 « points chauds » (zones à la fois très riches en biodiversité et particulièrement menacées par l'activité humaine) du monde. Bon nombre des menaces et destructions pesant sur la biodiversité ultramarine viennent d'actions menées par des étrangers (braconnage, surpêche, pillage, activités polluantes...), face auxquels nos forces de souveraineté ainsi que des concitoyens d'Outre-Mer impliqués dans la protection de l'environnement tentent de répondre malgré de trop faibles moyens. Mais une grande partie des destructions commises contre la biodiversité d'Outre-Mer vient aussi soit de nos propres activités nuisibles, soit de notre manque de volonté politique. Il nous faut là aussi conduire une action forte.
Nous sommes à l'aube de ce que Rafik Smati appelle une « bulle écologique » ; il est encore temps d'y faire face. Plutôt que de vouloir investir des fortunes dans les énergies renouvelables alors que nos émissions de gaz à effet de serre liées à la production d'électricité sont faibles, il nous faire de la protection et de la reconstitution de notre biodiversité une priorité nationale, qui s'intègre dans toutes les politiques publiques concernées et à tous les niveaux. Nous devons agir rapidement à l'échelle de notre pays pour enrayer la catastrophe à l’œuvre dans nos propres territoires, et mettre à profit les efforts que nous mènerons en France pour peser aux niveaux européen et international : c'est un chantier autrement plus urgent que de vouloir démanteler notre filière nucléaire.
La protection et la revitalisation de la biodiversité doivent devenir une priorité de l'après crise et du prochain quinquennat.
Aurélien Duchêne